dimanche 31 janvier 2010

Un autre - Imre Kertész

Ou "Chronique d'une métamorphose" est le journal qu'a tenu Imre Kerész de 1991 à 1995. Faisant aujourd'hui parti des plus grands écrivains hongrois du XXème siècle, Imre Kertész nous relate cependant le long cheminement de son âme en cette période troublée et étrange qu'ont connu les pays de l'Est après la chute de l'URSS en 1991.

Né à Budapest en 1929, Kertész, Juif hongrois, est déporté avec toute sa famille vers les camps de la mort en 1944. Imre Kértesz sortira miraculeusement des camps successifs d'Auschwitz et de Buchenwald mais restera à jamais marqué par cette épreuve où le reste de sa famille périra... Employé dans un quotidien hongrois dans les années cinquante en tant que chroniqueur, il est cependant mis au ban de la société par le gouvernement communiste alors en place. Ce ne sera donc qu'à partir de l'effondrement du régime communiste au début des années quatre-vingt dix que Kertész sera réellement reconnu et admiré et notamment en Hongrie, sa patrie d'origine.

C'est avec dérision et amertume que Kertész relate ses mémoires et notamment ses relations avec la Hongrie où depuis de années, il a été rejeté, dénigré, haï. Aujourd'hui, les nations du monde entier réclame son témoignage sur les camps de concentration nazis et Kertesz voyage donc sans relâche pour naviguer entre congrès, conférences et autres interviews. Traducteur des œuvres de Wittgenstein, Kertsez se sent influencé par les écrits de cet homme et se pose les questions éternelles sur son identité trouble et incertaine. Qui est-il vraiment lui, Juif Hongrois presque apatride? Qu'est il devenu du fait des multiples épreuves qu'il a pu traverser? A travers ses voyages, Kertész se cherche tout en ne se trouvant pas vraiment et découvre une Europe, notamment celle de l'Ouest qui lui était autrefois interdite. Le capitalisme le choque et le fascine tout à la fois, comme Israël où tant de Juifs persécutés ont trouvé refuge après 1945. Kertész ira jusqu'à faire pèlerinage à l'endroit où son père a été déporté même si, aujourd'hui, aucune trace ne subsiste...

C'est un véritable récit troublant où Kertész se livre tout en restant mystérieux sur son Moi le plus profond. Certes, on sent Kertész un peu perdu dans ce monde qui change si vite et où lui n'a plus trop sa place. Sa place n'est elle pas dans le Passé; l'Avenir lui serait il fermé? L'érudition de ce Prix Nobel est flagrante; qu'on ne s'y trompe pas, le témoignage de Kertész ici est d'une grande valeur.

Journal court mais témoignage fascinant; Un autre demeure un récit où rêves, souvenirs et expériences se mélangent pour former un ensemble homogène et de grande qualité même si l'écriture, de par la complexité oserai-je dire de certains passages, demande une concentration et une attention certaines.

Ma note : 3,5/5
(Éditions Actes Sud, 150 pages)

samedi 30 janvier 2010

Je suis le seigneur du château - Susan Hill

Nouvelle rubrique et pas des moindres : celles des abandons ... Cela m'arrive rarement mais cela m'arrive et cela a été notamment le cas avec Je suis le seigneur du château de Susan Hill. A vrai dire j'aurais du m'en douter puisque de cette auteur, j'avais déjà essayé de lire d'elle La malédiction de Manderley, la prétendue suite de Rebecca de Daphné du Maurier, roman que j'avais là aussi, lâchement abandonné...

Bref : abandon au bout de 100 pages, malgré tous mes efforts répétés, le livre m'est tombé des mains. Il faut dire que les personnages étaient exécrables, à commencer par Édouard, ce gosse de riche et qui, à la mort de son grand-père va habiter avec son père dans la demeure familiale. Pour Édouard, le bonheur est de courte durée lorsque Charles et sa mère viennent habiter au château, la mère de Charles étant embauchée comme gouvernante. L'enfer commence alors pour Charles puisque Édouard fera tout pour l'humilier, le déstabiliser, le maltraiter sans que les adultes ne s'en aperçoivent. N'en pouvant plus, un matin, Charles prend ses cliques et ses claques et s'enfonce seul dans les bois. Mais Édouard le suit...

Impossible de vous dire la suite puisque c'est peu après que j'ai laissé tomber l'histoire. Personnellement, c'est avec un sentiment de profond malaise que je suivais les mésaventures de ce pauvre Charles, martyrisé par Édouard, qui s'est proclamé seigneur du château. J'avoue que si j'avais pu, j'aurais mis trois claques à Édouard pour le calmer! Quant à Charles, on peut dire que son caractère timide, effacé et solitaire ne peut guère l'aider à se défendre face à Édouard.

Un récit troublant où le monde de l'enfance est montré sous son coté le plus noir. Comme les enfants peuvent être cruels parfois!

Et puis allez, j'avoue, j'ai craqué : j'ai lu la fin et ... c'est tragique!

mardi 26 janvier 2010

La voleuse de livres - Markus Zusak

Elle s'appelle Liesel et il n'est pas facile d'être une enfant dans l'Allemagne nazie des années quarante. Il est encore plus difficile d'être la fille d'un communiste "disparu", et que sa mère place dans une famille munichoise qu'elle ne connait pas. Pour Liesel, tout commencera réellement dans ce train qui l'emmène à Munich lorsque son petit frère se penche doucement vers le sol pour y déposer son dernier soupir. Et devant la Mort, spectatrice muette mais non dénuée de sarcasme et de dérision, Liesel, dans le cimetière où est enterré son frère, commence sa carrière de voleuse de livres en dérobant le manuel du parfait fossoyeur oublié dans la neige...

Encore un livre sur la seconde guerre mondiale me direz vous! Et bien pas tout à fait car La voleuse de livres a ceci d'étonnant que le lecteur découvre tout un pan de la société allemande à travers la petite vie d'une rue populaire des faubourgs de Munich. C'est une Liesel prostrée, choquée par la mort de son frère et le départ précipitée de sa mère qu'elle ne reverra pas, que nous suivons dans ce récit raconté par la Mort elle-même, étonnée et touchée malgré elle par le caractère de cette enfant atypique. On ressent beaucoup de tendresse pour Liesel et les gens qui l'entourent, qu'il s'agisse de Hans, ce père accordéoniste et peintre qui la rassure la nuit quand elle fait des cauchemars ou de Rose, cette femme colérique en apparence mais en réalité avec un cœur immense. Et puis il y a Rudy, son meilleur ami, et surtout Max, ce boxeur juif que les Hubermann cachent au péril de leur vie dans leur cave et auquel Liesel s'attachera énormément. Mais l'Histoire est là et va tous les rattraper, la Mort en tête.

Évidemment, vous l'aurez compris, La voleuse de livres est un roman sur la folie des hommes et de la guerre, de l'horreur sans nom que cela comporte et aussi de la mort qui guette chacun de nous - elle même l'avoue dans le récit, il s'agit ici d'une des périodes les plus chargées qu'elle ait pu connaitre... Mais La voleuse de livres c'est aussi un récit sur l'amour de la lecture, de celle qui unit les êtres et les destins, véritable fédérateur des liens familiaux et de la solidarité humaine. Où l'on comprend aussi que l'on n'échappe pas à son destin...

Un très beau livre, de ceux qui vous marque et vous amène à réfléchir sur la folie des hommes et le sens de la vie que l'on peut avoir.

Ma note : 4/5
(Editions Pocket Jeunesse, 559 pages)

4/26!

samedi 16 janvier 2010

Lunettes noires et pages Blanches

Ah qu'il est bon de se laisser tenter en se baladant à droite et à gauche de la blogosphère littéraire! Et comme je suis faible, il va sans dire que j'ai de nouveau succombé à la tentation en m'inscrivant à un nouveau challenge...

Oui, mais celui-ci est simple et facile à réaliser puisque dans ce nouveau défi proposé par Fashion, il s'agit de lire un roman adapté à l'écran et de le comparer à l'adaptation cinématographique. Dans sa grande mansuétude, Fashion reste large dans le choix des œuvres qu'il s'agisse de grands classiques, romans populaires ou à l'eau de rose, pour enfants voire même des BDs.

Ce challenge s'avère fantastique pour moi car généralement, je sors toujours déçue de l'adaptation cinématographique que je trouve toujours en deçà de ce que mon imagination avait pu créer... Mais je décide néanmoins de jouer le jeu et ô joie, je sais déjà quelle œuvre littéraire aura la lourde tache de remplir ce défi.

Il s'agira de Pygmalion de Bernard Shaw, dont l'adaptation cinématographique est bien plus célèbre que la pièce de théâtre originale, j'ai nommé My Fair Lady de George Cukor avec la superbe Audrey Hepburn.

Lecture et visionnage du film à suivre...

vendredi 15 janvier 2010

"Les amazones de la blogosphère"

C'est ainsi que le magasine Télérama dans un article publié dans le numéro de cette semaine, décrit ceux ou plutôt celles qui, comme moi, tiennent un blog littéraire.

Un article assez intéressant et complet où l'on retrouve le nom de plusieurs bloggeuses comme Cuné, Clarabel ou encore Sylire. Mais aussi le club des rats de biblionet!

Pour le lire, voir chez Arrajou qui le publie en intégralité sur son blog!

mardi 12 janvier 2010

Mangez le si vous voulez - Jean Teulé

Le 16 août 1870, Alain de Moneys est pris à parti par la population venue à Hautefaye pour la foire annuelle. Au bout d'un calvaire de plus de deux heures où il sera molesté, lynché, torturé, il est finalement brulé vif par la foule qui ira jusqu'à le manger. Comment un tel drame (véridique!) a t-il bien pu se produire?

Jean Teulé restitue dans ce court récit l'histoire vraie du meurtre par une foule de près de six cents personnes déchainées d'un homme quelconque pris par quiproquo pour un Prussien. Évidemment on ne peut qu'être révolté et horrifié en lisant les différents supplices que subit ce pauvre Alain de Moneys, qui, malgré ses cris et ses supplications répétées, n'arrivera jamais à se faire comprendre et reconnaitre. Tous, du plus âgé au plus jeune (imaginez, le plus jeune n'avait que cinq ans!), les hommes comme les femmes, vont prendre part à la frénésie ambiante et se venger des désastres militaires français face aux Allemands appris le jour même par le biais du journal local. Véritable bouc émissaire dans cette histoire, Alain de Moneys a eu le seul tort de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment. Et rien, ni les tentatives des métayers de son père pour le cacher ou le soustraire aux assauts de la populace, ni la distribution de vin par le curé pour détourner l'attention n'arriveront à calmer tout ce beau monde. Même le maire se retrouvera dépassé par les évènements et à la question de ses administrés de savoir ce qu'ils devaient faire du Prussien, il ira jusqu'à sortir l'énormité suivante : "Mangez le si vous voulez".

Avec ce récit, Jean Teulé ressort des tréfonds de l'Histoire de France une de ses pages les plus honteuses et les plus horribles. Aujourd'hui Hautefaye, village de moins de deux cents âmes, existe toujours même si la mémoire d'Alain de Moneys et de ses bourreaux hante encore les lieux. Une histoire à lire mais âmes sensibles s'abstenir!

Ma note : 3,5/5
(Éditions Julliard, 130 pages)

3/26!

dimanche 10 janvier 2010

Villa Amalia - Pascal Quignard

Parce qu'elle a surpris son conjoint en train d'embrasser une autre femme, Ann Hidden décide de tout quitter. Quitter Paris, sa maison, son travail. Quitter Thomas, qui ne comprend ce qui se passe et surtout, pendant qu'il est à Londres, à son insu. Quitter sa mère, femme seule, et qui attend depuis des années le retour d'un homme qui l'a quittée il y a longtemps. Quitter Georges, cet ami d'enfance qu'elle a rencontré par hasard à Choisy, et qui l'invite à venir près de lui à Teilly, en Bourgogne. Surtout, quitter son identité, sa vie de musicienne renommée, son apparence afin de se reconstruire, très loin de tout cela. Sans que personne ne sache où elle va.

L'errance d'Ann Hidden la conduit en Italie, dans la baie de Naples, où l'attend une maison nichée au bord de la mer, la Villa Amalia. Ann tombe amoureuse de cette maison comme on tombe amoureuse d'un homme : avec passion, avec déraison presque. Dans ce paysage enchanteur, Ann se retrouve, réapprend à vivre et à aimer, notamment auprès de la petite Magdalena et de Guila. Mais...

La première chose qui frappe dans ce récit est le style, la plume exceptionnelle de Pascal Quigniard. J'avoue n'avoir que très rarement cette impression de délicatesse et de précision; autant dire que l'auteur s'est ré approprié la langue française pour en faire ressortir toute la force de ses mots, ses tournures de phrases, ses expressions. Lire Villa Amalia, c'est se laisser emporter dans un sentiment de délice et de préciosité; les yeux osent à peine se poser sur les phrases ciselées par l'auteur tellement on sent toute la richesse qui s'en dégage. Seule Sylvie Germain m'avait fait une impression comparable même si les deux styles littéraires n'ont cependant rien à voir.

L'histoire d'Ann Hidden peut surprendre. C'est que l'histoire de cette femme en fuite n'est pas banale et pourrait en rebuter plus d'un. Le récit n'est pas facile; non pas que l'on pourrait craindre ne pas en comprendre les péripéties, mais là encore, chaque paragraphe, chaque phrase amène un questionnement. Mine de rien, chacun d'entre nous est un peu d'Ann Hidden. Ne sommes nous pas irrémédiablement seuls?

Un roman percutant de par son style, avec des descriptions criantes de vérité des paysages italiens et de la Méditerranée. Un roman subtil, qu'il faut lire lentement, afin d'en déguster avec douceur tous les trésors.

Ma note : 4/5
Éditions Gallimard, 298 pages

2/26!

jeudi 7 janvier 2010

Sous la lune et les étoiles - Fred Uhlman

Un avion s'écrase sur une île perdue de l'Océan Pacifique. Quatre rescapés se retrouvent seuls, démunis de tout, en attente d'hypothétiques secours qui n'arrivent pas. Quatre êtres tous plus différents les uns que les autres et qui, pourtant, doivent vivre ensemble, s'aider, se supporter. Les conditions difficiles, la chaleur, la faim, la maladie et le découragement au fur et à mesure que les jours passent s'attablent sur nos naufragés, qui, peu à peu, se laissent gagner par une folie douce amère. Qui du plus fort, du plus faible, du plus riche au plus damné, de l'intellectuel ou du rustre réchappera de cet enfer? Mais y aura t-il un seul survivant?

Première incursion en ce qui me concerne dans l'univers de l'auteur de L'Ami retrouvé. C'est d'ailleurs avec ce roman que j'aurais souhaité commencer mais finalement, faute de mieux, ce fut ce récit méconnu de Fred Uhlman qu'il m'a été donné de lire. Réflexion sur l'homme et ses réactions face à une quête de survie désespérée, Sous la lune et les étoiles est un récit troublant où tous les penchants et les travers humains sont décrits avec acuité.

Uhlman s'interroge ici sur la destinée humaine et le lecteur, dans ce court récit, se demande lui aussi comment il aurait réagi à la place de nos infortunés héros. Aurait il été atteint de désespoir comme le milliardaire américain? Aurait il été pris d'une crise mystique comme la jeune Ruth? Aurait il vu enfin son heure arriver en constatant avec délice qu'il n'est, comme le repris de justice Richards, que le seul à savoir faire du feu, pécher, bref survivre un tant soit peu face à une nature hostile? Ou aurait il été horrifié comme le professeur en constatant que la violence longtemps refoulée refait surface sans effort?

Un récit intéressant et qui fait un peu penser par certains aspects à Sa Majesté des mouches de Golding. Si le thème aurait mérité d'être un peu plus développé par l'auteur, il n'en demeure pas moins que Sous la lune et les étoiles reste un roman qui nous fait réfléchir sur l'homme en général et la solitude qui rend fou.

Ma note : 3,25/5
Editions Stock, 150 pages

1/26!

mardi 5 janvier 2010

Quelques résolutions...


Et oui, l'année 2010 est là et a même déjà bien commencé! Et qui dit début d'année dit bonnes résolutions, alors voici les miennes pour cette nouvelle année livresque :

1. PAL : Comme dit dans un message précédent, je me suis inscrite au challenge Objectif PAL d'Antigone et me suis donc fixé un objectif de 20 livres fin 2010. Reste à savoir si je serais assez raisonnable pour ne pas m'en procurer autant que j'en lis!

2. Classique : lire Les Misérables de Victor Hugo (en version intégrale!). Première tentative soldée par un échec il y a de cela des années. Cette fois-ci, c'est la bonne (enfin, j'espère...)!

3. Saga/série littéraire: Je commence mais ne finis pas les sagas! Alors, j'ai décidé de remédier à cela et souhaite donc en 2010 finir les séries suivantes :
- Les aventures de Boro, reporter photographe. Me reste à lire :
* T6 : Cher Boro
* T7 : La fête à Boro
* T8 : La dame de Jérusalem
- Les filles de Caleb d'Arlette Cousture. Me reste à lire
* T2 : Blanche
* T3 : Elise
- Millenium de Stieg Larsson. Me reste à lire
* T2: La fille qui rêvait d'un bidon d'essence et d'une allumette
* T3 : La reine dans le palais des courants d'air
Le problème va être de trouver le T3 des Filles de Caleb et le T7 des aventures de Boro (ma bibliothèque ne les a pas, malgré mes réclamations répétées!). Mais je ne désespère pas!

4. Littérature hongroise. Une vraie découverte personnelle en 2009, en 2010, je souhaite continuer la découverte de la littérature de ce pays à travers 5 titres (Attention : ça peut changer en cours d'année selon les disponibilité des titres):
* Lajos Zilahy : L'ange de la colère
* Agota Kristof : Le grand cahier
* Imre Kertesz : Un autre
* Magda Szabo : La porte
* Sandor Marai : Divorce à Buda
Si Hélène veut bien se joindre à moi, cela peut devenir franchement intéressant!

5. Autres. Bah oui, il y une catégorie "Autres"; n'oublions pas que je participe à d'autres challenges sur la toile comme 100 ans de littérature américaine, Une année en Russie ou encore le Challenge ABC 2010...

C'est vrai que cela fait beaucoup mais qui ne risque rien n'a rien, non? Et vous, quelles sont vos résolutions en 2010?

lundi 4 janvier 2010

La lune dans le caniveau - David Goodis

Sept mois. Voilà sept mois que Catherine s'est suicidée en pleine rue après avoir été violée par on ne sait qui. Sept mois que son frère Kerrigan hante Vernon Street la nuit et ses pas le ramène là où Catherine s'est tranchée la gorge avec la lame rouillée d'un vieux couteau. Docker sur le port, vivant misérablement avec son père, la femme de celle-ci, son frère alcoolique et Bella qui le poursuit de ses assiduités, Kerrigan traque le coupable qui a déshonoré sa sœur tout en cherchant en réalité inconsciemment à se rappeler Catherine dans ses souvenirs de plus en plus embrumés. Un soir, cependant, Kerrigan rencontre Channing, richard venu s'encanailler dans ce bouge qu'est Vernon Street. Surtout, il y a Loretta, sa sœur, cet ange blond fascinée par Kerrigan. La rédemption serait-elle là? Mais échappe t-on à Vernon Street?

Vous recherchez un roman noir, d'une noirceur extrême? Alors David Goodis est pour vous et La lune dans le caniveau est surement une de ses œuvres les plus emblématiques. Goodis nous raconte dans ce récit le quotidien morne, pauvre, sale et délabré d'une population vivant à part, dans ce quartier misérable qu'est Vernon Street. Alcooliques, fripouilles, bandits, prostituées : tout cela se mélange pour former une population cosmopolite où la saleté et le dégout submergent le lecteur propulsé en ce milieu. Goodis n'a pas peint ce quartier par hasard ni en imagination; en effet, Goodis a été, nous indique la préface, jusqu'à se déguiser en clochard et vivre pendant des semaines au milieu des dockers et de leurs familles dans la misère et l'horreur.

Kerrigan a toujours vécu à Vernon Street, ne sortant de son quartier que pour aller gagner sa croûte sur le port. Pourtant, il serait si simple de partir d'ici, de commencer une nouvelle vie, de prendre un ticket de tram à 25 cents comme il l'explique à Bella pour tirer un trait sur son passé et devenir un nouveau Kerrigan. Mais Vernon Street et son ambiance est là et l'agrippe telle une vieille femme à sa manche. Et puis, il y a Catherine, cette fleur si douce et si belle, qui elle n'avait vraiment rien à faire ici et qui, pourtant, malgré sa gentillesse et sa bonté, a été victime de Vernon Street et de sa racaille. Qui l'a tuée, même indirectement? Kerrigan veut savoir même si tout le monde autour de lui pourrait être le coupable.

Loretta et sa MG peuvent elles venir tirer Kerrigan de la boue dans laquelle il vit? Kerrigan l'espère et y croit même un temps bien que selon lui, Loretta ne vienne ici que pour s'amuser. Mais même les milieux aisés, comme celui dans lequel vit Loretta et son frère Channing ne sont pas exemptés de déchéance comme Loretta amèrement l'apprendra à Kerrigan.

Vernon Street est bien ce caniveau plein de boue d'eau sale où cependant viennent par instants se refléter la lune à l'image de Catherine ou de Loretta, songes presque irréels et qui disparaissent comme ils étaient apparus, au coin d'une rue. Ne reste alors plus qu'un quotidien morne et désespéré. Mais n'est ce pas tout ce que Kerrigan connait? Et où aller en définitive? Car tous ses pas, d'une manière ou d'une autre, le ramène ici, dans ce quartier déshérité de Philadelphie.

Un récit où l'intrigue policière et les tourments intérieurs du héros sont étroitement mêlés pour former un polar d'une noirceur terrifiante. Un grand roman, fascinant mais aussi dérangeant de par le sentiment de pauvreté et de "crasse" qu'il dégage, un roman où tout est dans l'ambiance, une ambiance désespérée...

Ma note : 4/5
Editions Le livre de poche, 190 pages