samedi 30 avril 2011

Même le silence a une fin - Ingrid Betancourt

Presque trois ans après sa libération, Ingrid Betancourt revient sa prise d’otage, sûrement l’une des plus spectaculaires de ces dernières années.

Pendant un an et demi, c’est en français qu’Ingrid Bétancourt raconta son enfermement pendant six ans et demis dans la jungle colombienne. Six ans et demi au sein de l’enfer, un enfer fait de multiples tentatives d'évasion, de dizaines de camps, de centaines de geôliers, de milliers de kilomètres parcourus à pied, en barque, à dos d'homme, en voiture. Le récit est stupéfiant, à vrai dire on se croirait nous aussi au fin fond de cette jungle colombienne, coupée du monde et du reste des hommes. Des journées sans fin s’écoulent, rythmée par quotidien sinistre entre sa cabane, son hamac et les conditions effroyables de sa détention.

Mais pire que les conditions physiques, ce sont les conditions humaines les plus terribles. Car dans cette promiscuité, les sentiments se déchaînent entre haine, jalousie, envie entre prisonniers. Sans oublier leurs geôliers qui poussent les êtres les uns contre les autres. Seuls la broderie, la Bible, dictionnaire encyclopédique Larousse, son chapelet, la voix de sa mère écoutée toutes les nuits sur une radio de fortune, et l'amitié de quelques co-détenus l’aident à tenir.

C’est avec stupeur que l’on finit ce récit, estomaqué, bouleversé, ébahi face à ce déluge de mots et de sentiments. Un témoignage bouleversant et unique, un récit extraordinaire sur cette descente aux enfers impressionnante.

Ma note : 4/5
Gallimard, 689 pages

Sélection du mois de mars

mercredi 27 avril 2011

Haine - Anne Holt

Haine : un tel titre pour un roman policier pourrait faire frémir voire faire redouter le pire… Et bien pourtant, il n’en a été rien et ce fut au contraire avec un plaisir plutôt surprenant qu’il m’a été donné de lire ce nouveau roman policier venu de Scandinavie mais de Norvège cette fois-ci.

Comme souvent dans les polars scandinaves, l’enquête policière n’est que le prétexte pour décortiquer en profondeur la société actuelle. Critique d’un modèle, de ce mode de vie souvent mis en avant et encensé de tous, Haine c’est aussi et surtout la remise en question des différences entre les hommes, qui peuvent entraîner les êtres jusqu’à la haine…

C’est la première fois que je lis un roman de Anne Holt et j’ai donc plutôt bien aimé. J’ai même trouvé ce récit différent de tous ceux qui m’avait été donné de lire. J’ai trouvé les personnages attachants, le rythme soutenu et régulier. Un bon roman policier, qui change de tous ceux qui m’avaient été donné de lire à ce jour.

Ma note : 3/5
Le Rocher Éditions, 576 pages


Sélection du mois de mars

samedi 16 avril 2011

Resurrection Row - Anne Perry

Le cadavre de Lord Augustus, enterré depuis plus de trois semaines, est retrouvé un soir à la place du cocher sur un cab. Qui a bien pu vouloir le déterrer et pourquoi? Chargé de l'enquête dans le très chic quartier de Gadstone Park, Thomas Pitt se perd en conjectures. Jusqu'à ce ce qu'un second cadavre puis un troisième soient également retrouvés dans les rues de Londres...

Quatrième enquête du couple victorien Thomas et Charlotte Pitt et ce fut avec le même entrain que j'ai suivi cette nouvelle histoire. Comme toujours, Anne Perry nous emmène dans les cercles fortunés de la bonne société anglaise de l'époque qui n'est pas exempte de tout reproche, loin s'en faut. Plus étonnant, Mme Perry nous décrit cette fois-ci les conditions épouvantables dans lesquelles vivaient les populations indigentes et pauvres du Londres de la fin du XIXème siècle. Ainsi, s'élevant contre les conditions déplorables dans lesquelles subsistaient de nombreuses familles démunies, des personnalités fortunées décident de faire passer un projet de loi en faveur de la fermeture des hospices dans lesquelles étaient littéralement parquées dans des conditions innommables de nombreuses personnes. Autant dire que l'on est bien loin des thés dansants, soieries et autres luxes des sociétés de Gadstone Park! Mais parfois, les apparences sont trompeuses et c'est ce que l'inspecteur Pitt va découvrir...

Une enquête intéressante et au dénouement inattendu. Une série policière qui tient décidément toutes ses promesses!

Ma note : 3,75/5
(10/18, 313 pages)

Livre du mois d'avril

dimanche 10 avril 2011

Charly 9 - Jean Teulé

Charles IX fut roi de France de 1560 à 1574, année où il mourut à l'âge de vingt-trois ans. Ce jeune roi n'a guère laissé son empreinte dans l'histoire de France, dans ce seizième siècle alors en pleine proie aux terribles guerres de religions entre catholiques et protestants. Et pourtant, s'il y a bien quelque chose à retenir de son règne, c'est bien la date du 2 août 1572, jour funeste du massacre de la Saint Barthélemy...

Investigateur du massacre Charles IX? Les historiens sont partagés et nombreux sont ceux à plus accuser sa mère Catherine de Médicis de manigances et manœuvres politiques en coulisses afin de se débarrasser des nobles protestants qui commençaient à avoir trop la main sur son fils et qui donc, menaçaient son influence... C'est un peu également le parti pris de Jean Teulé qui décrit ici un jeune roi de vingt-deux ans au moment des faits, bien trop frêle pour supporter la charge royale énorme qui pèse sur ses épaules. Et c'est bien plus pour faire plaisir à sa mamma que le jeune roi, excédé et à bout, ordonna ce massacre qui choquera l'Europe toute entière de par sa grandeur (trois mille morts estimés à Paris, entre cinq mille à dix mille dans tout le reste de la France).

Plus que le déroulement de ce jour funeste, Jean Teulé s'attache à la personnalité de ce roi, qui, par la suite épouvanté par l'ampleur de la tragédie ordonnée en son nom, sombra peu à peu dans une folie douce amère. Voyant en songes ses victimes, ayant l'impression d'être toujours couvert de sang, Charly 9 comme l'affuble avec ironie Jean Teulé, se tourne avec déraison vers les chasses aussi bien en forets qu'au sein même du château du Louvre où il tue sans discernement toutes les bêtes qu'il trouve comme pour étancher une soif de mort quasi inextinguible. Et au milieu d'une cour où il n'est plus qu'une marionnette ballottée au gré des envies de sa mère et de son jeune frère qui rêve de prendre le pouvoir, Charly 9 étouffe face aux subtilités des courtisans qui l'entourent. Les ennuis s'accumulent (siège de la Rochelle par les Huguenots, caisses de l'État vides, peuple mourant de faim) et Charly 9, désemparé, accumule gaffe sur gaffe, jusqu'à tomber malade et mourir seul et détesté de tous.

Évidemment, Jean Teulé prend beaucoup de libertés par rapport à l'Histoire même si de nombreux faits sont véridiques : oui sa femme, la reine Elisabeth d'Autriche ne parlait pas un mot de français et il fallait qu'une traductrice soit toujours là pour permettre les échanges entre les deux époux. Oui, ce fut bien Charles IX qui instaura le nouvel an le 1er janvier et non plus le 1er avril ce que détestèrent de nombreux paysans. Oui, le Pape fit bien graver une médaille commémorative de la Saint Barthélemy et demanda des fresques au Vatican (que l'on peut voir encore de nos jours). Et oui, son jeune frère devint bien roi pour un temps de Pologne avant de revenir en catimini en France à la mort de Charles IX.

Le plus déstabilisant en vérité est que l'auteur mélange allégrement le style littéraire du seizième siècle et du vingt et une nième siècle. De même, si le début est plutôt plein d'humour (noir!), la suite a, je trouve, trainé un peu en longueur, avec de nombreuses pages traitant de la folie montante du roi et de ses nombreuses frasques (chasses aux lapins et cerfs au Louvre, fabrication de fausse monnaie pour renflouer les caisses de l'État, visites à sa maitresse...). C'est presque avec écœurement que l'on suit ses différentes péripéties faites de sang et autres morts et on est presque soulagé quand ce pauvre Charly meurt enfin. Même si son enterrement ne fut lui-même pas de tout repos!

En conclusion, c'est presque de la pitié que l'on ressent pour ce pauvre roi déchu que Jean Teulé parvient à nous rendre sympathique malgré ses crimes. Victime innocente lui aussi des magouilles politiques de sa mère? Homme dépassé par les évènements et notamment par le poids de sa charge? Seules l'Histoire et la postérité jugeront. Néanmoins, c'est plus de la décadence d'une famille (les Valois), d'une classe (la noblesse, déjà, deux siècles avant la Révolution) et d'une époque dont il est en réalité question.

Pauvre Charly!

Ma note : 3,5/5
(Julliard, 232 pages)


vendredi 8 avril 2011

Samantha bonne à rien faire - Sophie Kinsella

A 30 ans, Samantha est une des avocates les plus en vogue de Londres. Travaillant sans relâche chez Carter Spink depuis sept ans, les journées épuisantes de Samantha se décomposent en réunions interminables, dossiers compliqués à travailler de jour comme de nuit dans un climat de stress et de tension sans fin. Pour Samantha, tous ces sacrifices ont leur raison d'être puisqu'elle va être nommée la plus jeune associée du cabinet. Autant dire que le monde s'écroule lorsque le jour même de sa promotion elle s'aperçoit qu'une erreur de sa part a fait perdre à un de ses plus gros clients plus de cinquante millions de livres... Paniquée, sous le choc, Samantha s'enfuit, prend le premier train et débarque à la campagne où sous un malentendu elle est engagée comme bonne à tout faire chez un couple de joyeux excentriques fortunés...

Que voilà une jolie comédie comme seuls les Anglais savent faire! On rit beaucoup des aventures rocambolesques de cette chère Samantha, qui du jour au lendemain, se retrouve employée de maison, elle qui ne sait ni cuire un œuf ni mettre en route une machine à laver! Autant dire que ses débuts dans son nouveau job sont plus que chaotiques et que c'est presque par miracle que notre héroïne réussit toujours à s'en sortir. Il s'agit du deuxième récit de Sophie Kinsella après Lexi Smart a la mémoire qui flanche que je lis et là encore, j'ai énormément apprécié ce récit que j'ai lu en à peine une journée.

Véritable récit cocasse où les rebondissements se suivent sans temps mort, Samantha bonne à rien faire est une agréable comédie où nombreuses seront celles qui, peu ou prou, se reconnaitront dans la personnalité de Samantha. Car mine de rien, le récit est aussi une jolie satire du monde dans lequel nous vivons, où le culte de l'argent, de la réussite et du pouvoir occulte tout le reste. Le bonheur est-il vraiment là où on le pense.

Une excellent lecture que je ne regrette absolument pas, au contraire. Rien de tel qu'un Sophie Kinsella pour passer un bon moment!

Ma note : 4,5/5
(Pocket, 410 pages)
2/3

lundi 4 avril 2011

La garden party - Katherine Mansfield

Recueil de quinze nouvelles, La Garden Party regroupe la plupart des écrits de ce grand écrivain qu'est Katherine Mansfield, celle-ci ayant en fait écrit plus de poésie que de littérature. Elle fut adulée de son vivant, jalousée par certains de ses comparses, notamment Virginia Woolf qui déclarera au moment de sa mort « Je ne voulais pas me l'avouer, mais j'étais jalouse de son écriture, la seule écriture dont j'ai jamais été jalouse. Elle avait la vibration. ». Aujourd'hui, Katherine Manfield est retombée dans un certain oubli alors que ces écrits, eux, n'ont pas pris une ride. Mieux, ils ont, avec le temps, acquis une certaine intemporalité qui fait que malgré le siècle de différence, les situations décrites demeurent encore terriblement d'actualité.

Quinze nouvelles donc, toutes emplies d'une certains mélancolie mais où suintent également la cruauté, la tristesse et le désespoir de ses personnages. Dans le nouvelle qui donne le titre au recueil, l'organisation d'une garden party est donnée aux enfants d'une famille riche. Mais lorsqu'on apprend la mort à coté d'un ouvrier, la plus jeune des filles est choquée que l'on puisse maintenir la fête et tente au contraire de l'annuler. Parmi les autres histoires que j'ai particulièrement appréciées, citons "Son premier bal" où une jeune fille de la campagne fait son entrée dans le monde mais où elle comprend amèrement que le temps aura une emprise sur elle ("Ce premier bal n'était-il, en somme, que le commencement de son dernier bal?"), "Les filles de feu le colonel" qui, à la mort de leur père tyrannique, devenues vieilles, se retrouvent désemparées dans une grande maison qu'elle ne savent pas gérer ou encore "La femme de chambre" qui relate la vie faite d'abnégation d'une bonne dans une famille bourgeoise. En réalité, je pourrais toutes les mentionner tellement j'ai été sous le charme de la plume douce et simple de Katherine Mansfield. Évidemment, si l'on cherche de l'action ou des rebondissements à toutes les pages, ces nouvelles sont à éviter car il s'agit ici plus de tableaux, de scènes de la vie de tous les jours avec les tourments et les aspirations d'hommes et de femmes comme vous et moi. Et on sourit en lisant "La leçon de chant", est choqué par la conduite d'Isabelle dans "Un mariage à la mode" ou encore triste en rencontrant "Miss Brill". Et pourtant, c'est avec le sourire aux lèvres que l'on referme ce recueil qui apporte une véritable bouffée d'air frais. A découvrir.

Ma note : 4,75/5
(Le livre de poche, 250 pages)

Catégorie "Auteur mort avant 35 ans"

et

Livre du mois d'avril

samedi 2 avril 2011

Le violon noir - Maxence Fermine

C'est un violon noir qui exhale une plainte de femme lorsqu'on y joue. Et celui y joue est soit un fou, soit un génie. Erasmus, le luthier vénitien, dernier dépositaire des secrets de fabrication des grands Stradivarius va raconter à Johannes Karelsky, jeune musicien français enrôlé dans l'armée Napoléonienne, le terrible secret qui le ronge depuis des années et qui le lie à ce mystérieux violon noir...

Un court récit où le style fluide et cristallin de Maxence Fermine éclipse tout le reste. Tout en douceur et en nuance, l'auteur nous relate cette histoire mi-fantastique mi-imaginaire où le réel se mélange avec l'illusion pour donner un ensemble surprenant. Des champs de batailles au carnaval de Venise, la mélodie douce amère de Fermine nous emmène à la suite d'une histoire où la poésie et la délicatesse sont les mots d'ordre.

Un récit très beau, charmant en un mot où la plume de Maxence Fermine est en fait la raison principale de lire cette histoire. J'ai beaucoup pensé à Alessandro Barico et à son roman Soie en lisant Le violon noir puisque j'ai trouvé les styles de ces deux auteurs très proches. Un joli récit dramatique très bien écrit et que j'ai bien apprécié.

Ma note : 3,5/5
(Points, 125 pages)

Livre du mois d'avril

vendredi 1 avril 2011

En un monde parfait - Laura Kasische

Jiselle, hôtesse de l’air, épouse le beau commandant de vol Mark Dorn. Ce mariage que toutes ses amies lui envie aurait dû être synonyme de conte de fée. Mais ce n’est pas facile de laisser sa vie professionnelle de coté, de venir s’enterrer dans une petite ville du Midwest américain et de devenir la belle-mère de trois enfants qui vous détestent. Et quand une épidémie se déclare aux États-Unis, déclenchant un mouvement de panique mondial sans précédent, les évènements s’accélèrent encore plus pour Jiselle.

Un roman étrange, avec une atmosphère plus étrange encore. Voici ce qui me vient en premier lieu à l’esprit pour décrire Un monde parfait. L’histoire de départ est plutôt bonne : une femme change de vie et se « range » par amour et découvre que cette nouvelle existence ne va pas être si facile que cela. On se prend d’empathie pour Jiselle et, plus encore que de la plaindre, on espère avec elle que tout va aller pour le mieux. Car on ne peut pas dire que la situation extérieure va aller en s’arrangeant. Pire encore, la catastrophe va aller crescendo entre pénurie alimentaire, panique ambiante et faillite des institutions.

Face à ce désastre qui s’annonce, Jiselle va rester calme. Mieux, elle va enfin se révéler elle-même en prenant ses responsabilités et en faisant face de manière étonnante. L’auteur réussit de par les situations qu’elle décrit à éviter tout mélodrame trop excessif et le lecteur se retrouve ainsi brinquebalé à la suite de Jiselle et de ses proches dans cette apocalypse qui ne dit pas son nom.

Je reprocherai malgré tout un rythme un peu long (notamment en départ) ce qui a gêné un peu ma lecture et le plaisir général ressenti. Néanmoins, En un monde parfait reste en définitive un bon moment de lecture.

Ma note : 3,25/5
(Bourgeois, 331 pages)

Sélection du mois de février