vendredi 26 mars 2010

Pygmalion - Bernard Shaw

Dans l'Antiquité, Pygmalion était un sculpteur grec à la recherche constante de la perfection. Les femmes ne trouvant grâce à ses yeux, il décida de ne pas se marier et sculpta une statue en ivoire représentatif de la femme idéale. Hélas, une fois la statue achevée, Pygmalion en tombe follement amoureux et se lamente donc en permanence de ne pouvoir qu'aduler une représentation. Pygmalion supplia alors la déesse Aphrodite de lui donner vie ce que la déesse, prise de pitié, fit. Pygmalion épousa alors la belle Galatée et en eut deux enfants.

Le Pygmalion dont il est question dans la pièce de Bernard Shaw est Henry Higgins, émérite professeur de phonétique. Un soir, à Covent Garden, il fait la connaissance du Colonel Pickering et d’une marchande de fleurs nommée Eliza Doolittle. Souhaitant élever sa position sociale, Eliza propose au savant de l’engager pour qu’il lui enseigne les bonnes manières et la débarrasse de son accent « cockney ». Tout d'abord sceptique, Higgins accepte le défi et accueille la jeune fille chez lui...

Shaw s'est ici inspiré du mythe grec pour évoquer la relation qui unit Higgins à Eliza. Comme le sculpteur grec, Higgins est misogyne et est donc demeuré un célibataire endurci. Mais l'arrivée d'Eliza va bouleverser son existence même si Higgins se comporte en véritable tyran envers la jeune fille puisqu'il l'abrutit de leçons et n'hésite pas à la rabrouer et à se moquer d'elle et de ses manières. Mais contre toutes attentes, au bout de six mois, Eliza est présentée à Buckingham et en revient adulée et triomphante. Triomphe dont se prévalent Higgins et Pickering tout en ignorant la pauvre Eliza, qui, déçue, humiliée, triste, s'en va...

C'est une pièce de théâtre avec des réparties qui font mouche et, bien souvent, bourrée d'humour et de malice. Évidemment, le personnage d'Eliza en est la principale cause puisque Shaw a bien sur joué sur l'antagonisme du milieu aristocratique dans lequel évolue désormais Eliza et ses origines bien plus "modestes" des faubourgs populaires de Londres. Pour souligner ce décalage, Shaw a ainsi ajouté comme personnage le père d'Eliza, ivrogne et fainéant notoire, mais qui, brusquement, devient riche.

Avec cette pièce, Shaw critique avec finesse la haute-société britannique mais aussi et surtout les hommes tels que Henry Higgins, persuadé d'avoir raison mais en réalité un fieffé égoïste un brin macho mais à qui Eliza va affliger en définitive une jolie leçon...

Pièce tombée en partie dans l'oubli de nos jours, c'est en fait à Brodway que cette pièce a réellement charmé les foules. Mais c'est surtout le cinéma, avec le célèbre film My Fair Lady, qui en a fait une histoire culte...

My Fair Lady

Adaptation musicale de Pygmalion de George Bernard Shaw, My Fair Lady a été montée pour la première fois à New York, au Mark Hellinger Theater le 15 mars 1956. George Cukor en réalise l'adaptation filmographique en 1964. Le film obtiendra 8 oscars dont l'oscar du meilleur film et du meilleur réalisateur.


La première chose qui frappe en regardant le film après avoir lu la pièce (ce qui a été personnellement mon cas) est que l'esprit de la pièce est incroyablement bien respecté. Si l'on omet la fin, légèrement modifiée, le scénariste Alan Jay Lerner a suivi pratiquement au pied de la lettre la pièce. Pour preuve, de nombreuses répliques de la pièce sont répétées mot pour mot dans le film dont certaines sont devenues célèbres :


«Il faut se conduire comme si on était au ciel, où il n'y a pas de voiture de troisième classe et où une âme en vaut une autre.»


«Le grand secret, ce n'est pas d'avoir de bonnes ou de mauvaises manières, c'est d'avoir les mêmes manières vis-à-vis de toutes les créatures humaines.»


Il faut savoir qu'avant d'en autoriser l'adaptation en comédie musicale, Bernard Shaw avait été extrêmement strict dans le souci du respect de sa pièce originelle. Et il étonnant de penser que la scène du bal du film a été en fait imaginée à l'origine par Shaw lui même!


Mais revenons au film qui en 1964, obtint un triomphe. Il va sans dire que Audrey Hepburn qui joue ici le rôle principale y est pour beaucoup. D'ailleurs, pour l'anecdote, bien que pas chanteuse, elle fut finalement préférée à Julie Andrews créatrice du rôle à Broadway (mais Julie Andrews, fut par la suite embauchée par Disney et joua coup sur coup dans Mary Poppins et La mélodie du bonheur). Autant dire que la jolie frimousse d'Audrey Hepburn a réellement marqué le grand public et que pour beaucoup, Eliza Doolittle a à jamais ses traits.


La comédie musicale en elle-même est assez plaisante même si les chansons du film sont bien moins connues que d'autres films de la même époque (ou est ce moi qui manque de culture dans ce domaine? Peut-être...). Néanmoins, là encore, Alan Jay Lerner, qui, pour l'anecdote est également l'auteur de la comédie musicale de Broadway, a suivi l'esprit de la pièce de Bernard Shaw à travers les multiples chansons. Par exemple, Henry Higgins raille ses concitoyens dans la chanson intitulée "Why can’t the English ?".


Bien que la film dure presque trois heures, j'ai passé un agréable moment avec cette comédie musicale, qui bien qu'ayant un peu vieillie, n'en demeure pas moins avec un charme certain. Autant dire que ce genre de film n'est plus fait de nos jours et c'est bien dommage car on en ressort le sourire aux lèvres et en train de fredonner les airs. Et les toilettes portées par Audrey Hepburn sont superbes.


Mais laissons le mot de la fin à George Cukor himself : « Je pense que My Fair Lady est un film charmant… Audrey a joué ça avec beaucoup de brio. Elle travaille dur… Elle est extrêmement intelligente, inventive, modeste… et drôle. Quand vous travaillez avec elle vous ne sauriez croire qu’elle est une super star. Elle est pleine de tact, c’est la créature la plus charmante du monde. Rex Harrison est magnifique également, il a réalisé une grande performance comme il l’avait fait sur scène. »



Note globale (pièce + film) : 4/5
(Edition Le livre de Poche, 150 pages pour la pièce. Le DVD du film est disponible chez Paramount Home Entertainment)


et

(1/1)

mardi 23 mars 2010

Les filles de Caleb - Arlette Cousture

Saga québécoise en trois tomes, Les filles de Caleb a connu un grand succès au Canada où elle a été notamment été adaptée à la télévision dans les années quatre-vingt dix. Ce petit bijou de la littérature est malheureusement peu connu en France; il était donc temps de réparer cette injustice en vous faisant découvrir cette magnifique saga ici...



Emilie
(Lu en avril 2009)

Trois générations de femmes dans le Québec du XXème siècle : voilà la saga qu'Arlette Cousture, romancière émérite et renommée québécoise, nous propose. Les filles de Caleb ont à coup sur été écrits dans la même veine que d'autres séries littéraires aujourd'hui devenues des classiques comme Les gens de Mogador d'Elisabeth Barbier ou les Jalna de Mazo de la Roche. Mais que le lecteur ne soit pas dupe :Les filles de Caleb Les filles de Caleb, avec ces personnages, ces lieux, ces péripéties, possèdent leur particularité propre qui en font toute leur originalité et surtout, leur qualité.

A seize ans, Emilie quitte la ferme familiale pour réaliser son rêve de toujours : être institutrice. Ce sera à Sainte-Tite, bourgade provinciale où, malgré quelques débuts difficiles, elle s'y fera une place et y trouvera même l'amour...

Le personnage d'Emilie est ce que l'on peut appeler un caractère fort; néanmoins, elle n'en demeure pas moins extrêmement attachante et, malgré ses défauts (qu'est ce qu'elle s'emporte vite Emilie parfois!), reste une femme que le lecteur admire et respecte. C'est que les temps sont durs au débuts du XXème siècle. Emilie, après son mariage, abandonne son métier d'institutrice pour s'occuper de sa famille et de ses huit enfants (!). Mariée à un époux irresponsable, Emilie devra avoir bien du courage pour faire face aux soubresauts du destin, ainsi qu'aux malheurs que le vie peut réserver. Heureusement, il y a la famille, les enfants, les amis, et cet amour inébranlable pour Ovila, coûte que coûte.

Un très bon premier tome, où le lecteur suit, haletant, la vie passionnante d'Emilie jusqu'à ses quarante ans. Avec minutie, Arlette Cousture nous relate la vie à cette époque, il y a de cela maintenant un siècle. Tout, que ce soit les us et coutumes, le langage, les bouleversements économiques dans la campagne. Nous suivons Emilie qui découvre avec émerveillement Montréal; nous la soutenons dans ses débuts d'institutrice et dans son quotidien semé d'embuches. Emilie est belle, fière et déterminée : les premières pages nous la montre tenant tête à son père, Caleb, pour que les femmes aient elles aussi le droit de manger en même temps que les hommes et tout cela est un véritable symbole de la modernité d'esprit de cette jeune fille.

Terriblement triste de quitter Emilie à la fin des 520 pages que compte ce premier tome (et comme ces pages défilent vite quand on est, comme moi, embarquée dans l'histoire), il ne reste plus qu'à découvrir la suite de cette sage avec l'histoire de Blanche, la fille d'Emilie dans le prochain tome. Ah, vivement la suite!

Ma note : 4,5/5
(Albin Michel, 526 pages)

Blanche
(Lu en mars 2010)


Ce deuxième tome de la saga québécoise d'Arlette Cousture nous emmène dans le Montréal des années vingt. Nous suivons Blanche, une des filles d'Emilie, qui décide de tenter sa chance et de devenir infirmière. Lassée de soigner des familles bourgeoises et d'être traitée avec mépris, Blanche décidera brusquement de partir dans les contrées éloignées et sauvages de l'Abitibi. Pendant trois ans, Blanche vivra alors la vie exaltante des pionniers et soigne les habitants de la petite ville de Villebois. Jusqu'au jour où Blanche fait une rencontre qui va bouleverser son existence...

Ah que j'ai eu du goût à lire cette histoire! J'avoue que j'aurais presque pleuré d'émotion lorsque j'ai été obligé de refermer le roman sur un des passages les plus poignants qu'il l'a été donné de lire. Assurément, Arlette Cousture a réussi à faire passer ici une grande palette d'émotion à travers tous les personnages qu'elle nous conte, de Emilie, femme abandonnée et obligée d'assumer seule l'éducation et la substance de ses enfants, à ses enfants justement dont nous suivons au fil des années la destinée. On s'attache à tous; Emilien, Marie-Ange, Jeanne, Paul... avec leurs défauts mais aussi leur force et leur courage qui les font se battre pour vivre, aller au bout de leurs rêves et partir, pour la plupart d'entre eux, en Abitibi, cette terre sauvage et inhospitalière où vit leur père qu'ils ont tous si peu connu pendant leur enfance.

Et pourtant... Malgré tout, c'est encore et toujours Emilie qui illumine littéralement le récit. Notamment durant la première moitié de l'histoire, où nous la suivons dans son combat de tous les jours pour élever ses enfants. Revenue à Sainte-Tite avec ses huit enfants, Emilie redevient institutrice pour gagner de l'argent et subvenir aux besoins de toute la maisonnée. C'est une vie presque de misère qu'elle offre à ses fils et ses filles qui, par la suite, feront tout leur possible pour aider en retour leur mère. Néanmoins, Emilie n'a perdu ni sa verve ni son gout effréné pour la vie et toujours, elle se battra pour ses enfants.

Blanche ne ressemble guère à sa mère. Plus douce, plus effacée, Blanche va cependant elle aussi tout faire pour réaliser son rêve : devenir médecin. Cela ne sera pas facile car outre son manque d'argent qui l'empêche de s'inscrire à la faculté, Blanche aura à se battre contre la moquerie de nombreuses autres jeunes filles élèves infirmières comme elle et jalouses de sa beauté et de son intelligence. Je me suis par instant retrouvée dans ce personnage de Blanche, et peut-être est ce pour cela qu'une certaine empathie s'est crée au fil des pages et que j'ai, en définitive, été très touchée par ce personnage.

Quelle tristesse au moment de refermer le roman; quelle déchirement de laisser tous les Pronovost alors que j'aurais tant aimé continuer à les suivre tous! Blanche aura assurément fait battre mon cœur et il faut maintenant impérativement que je me procure le dernier tome, Elise, car c'est une question de survie!

Ma note : 5/5
(Albin Michel, 552 pages)

dimanche 14 mars 2010

Lire c'est bien, à plusieurs c'est encore mieux!

Dans un de mes messages précédents, j'énonçais les objectifs un peu titanesques que je m'étais fixés pour cette année 2010. Il faut bien l'avouer, toutes ces lectures un peu "imposées" (par moi, alors en même temps je l'ai bien cherché), peuvent sembler un peu lourdes à supporter et le découragement peut poindre à l'horizon.

Heureusement, en fouinant à droite et à gauche sur ce monde ô combien vaste qu'est la blogosphère littéraire, j'ai pu trouver des comparses avec qui j'allais pouvoir me motiver pour faire avancer certaines de mes lectures.

C'est ainsi que je suis pour l'instant inscrite aux deux lectures communes suivantes :

Le cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates : lecture commune prévue pour le 16 avril et que je fais avec Abeille, Mélopée et Maijo.

Hélas, cent fois hélas, je ne possède pas ce roman dans ma PAL... Et s'il est bien à la médiathéque de ma ville (ouf!), je ne suis que troisième sur la liste d'attente!!! Autant dire que rendre ma copie pour le 16 avril me semble bien compromis puisque à cette date, je ne suis même pas sure d'avoir le roman en ma possession! Enfer et damnation, me voilà bien ennuyée!




Deuxième lecture commune : celle de La fille qui rêvait d'un bidon d'essence et d'une allumette, 2ème tome de la série à succès Millenium. Cette fois-ci, je ne me suis pas fait avoir puisque j'ai déja emprunté à la biblio le roman (et les suivants attendront, na!).

Cette lecture se fait sur le forum Livradict auquel je ne participe pas mais Belledenuit a bien voulu m'accepter dans la liste des vaillants lecteurs de cette lecture commune dont l'échéance est fixée au 15 avril 2010.




Deux lectures communes pour l'instant donc, reste à les réussir et ça, c'est un sacré défi!

vendredi 12 mars 2010

Tous ces mondes en elle - Neil Bissoondath

Roman de la complexité du monde et des hommes, Tous ces mondes en elle est le deuxième roman de cet écrivain indo-québecois dont les thèmes de prédilection - la migration, la liberté, la quête de ses origines - sont ici largement présents et développés.

Émigrée au Canada enfant après l'assassinat de son père, homme politique d'une petite île des Antilles, Yasmin, à plus de quarante ans, y retourne à la mort de sa mère pour y disperser ses cendres. Elle y retrouve la famille paternelle qui, au détour des conversations et des reliques exhumés du fin fond des tiroirs, lui relate peu à peu et à mots couverts qui étaient réellement ses parents.

Un roman d'une pudeur extrême et où l'auteur, originaire de Trinidad, décrit avec acuité l'état d'esprit d'une petite île des Caraïbes au moment de son indépendance. Mélange des races et des milieux sociaux : la société n'est cependant pas égalitaire loin de là, même si des hommes, comme le père de Yasmin milite en faveur. Néanmoins, au détour des pages, Vernon Ramessar, véritablement obsédé par sa carrière politique naissante, apparait fait d'une personnalité plus complexe qu'au premier abord. Quant à la mère Sahkti, c'est d'un bien trouble secret qu'elle s'ouvrira en définitive à sa meilleure amie, Mrs Livingston, alors en plein coma...

Comme le titre l'indique, Yasmin, comme tout un chacun, est faite d'une multitude de mondes en elle qui se bousculent, s'entrechoquent, s'emmêlent presque pour former ce moi en quoi, à ce jour, elle a du mal à s'y faire. Le roman alterne trois récits - le long dialogue de Sahkti avec Mrs Livingston, le séjour de Yasmin dans les Antilles, et les souvenirs de celle-ci- et le lecteur comprend peu à peu que le voyage de Yasmin dans les Antilles n'est pas une recherche de ses origines mais plutôt la recherche de qui furent réellement ses parents dont en réalité elle en sait si peu. Et de ce séjour, Yasmin en tirera une rédemption qui lui permettra de refaire face à la vie, sa vie propre.

Un roman, hélas, qui malgré les qualités évidentes que je viens de décrire n'a pas réussi à m'émouvoir. Je suis malheureusement restée de marbre devant toutes les évocations des uns et des autres et j'avoue que c'est presque par lassitude et ennui que j'ai refermé ce livre. Un récit auquel je n'ai donc pas accroché même si j'en reconnais la valeur manifeste. Dommage, mais il faut croire que cela n'était pas pour moi!

"Figurez-vous, ma chère, je n'ai pas qu'une seule identité. Aucun de nous n'en a juste une. Sinon, quel drame ce serait, vous ne trouvez pas?"

Ma note : 3/5
(Éditions 10/18, 415 pages)

et

(7/26)

dimanche 7 mars 2010

L'été des saltimbanques - Joanne Harris

Autrefois danseuse et acrobate, Juliette se réfugie dans le couvent de Sainte Marie de la Mer après avoir été pourchassée et prise pour une sorcière avec ses autres comparses saltimbanques. Cela fait maintenant cinq ans qu'elle y vit heureuse et tranquille avec sa fille Fleur dans cet abbaye où les jours s'écoulent paisibles. Mais toute son existence se retrouve bouleversé le jour où la mère abbesse meurt et où une petite fille de douze ans à peine est nommée pour la remplacer. Et pour Juliette le doute n'est plus permis qu'elle et ses sœurs sont en danger lorsqu'elle reconnait en le Père Colombin qui accompagne Sœur Isabelle Guy Le Merle, son ancien amant, qui les avaient tous trahis à Épinal il y a de cela cinq ans...

Voilà une agréable surprise que ce roman historique! Nous sommes en 1610 sur l'île de Noir moutier et c'est avec allégresse que nous suivons les péripéties successives des habitants de ce couvent éloigné du continent et presque oublié de l'Église pendant des années. Mais voilà que la jeune Sœur Isabelle arrive, enfant d'une famille noble et qui se rêve en sainte adulée dans la papauté toute entière. Ses rêves et espoirs sont bien sûr aiguisés par le talent manifeste de conspirateur et de manipulateur de Père Colombin, alias Guy Le Merle, autrefois grand auteur et comédien de satires sur l'Église, ce qui lui a valu bien des ennuis... Mais que peut-il bien faire dans cette abbaye perdue au milieu de nulle part et qui ne possède aucune richesse? Juliette se perd en hypothèses tandis que Le Merle manipule sans scrupules l'ensemble des sœurs en leur faisant croire qu'elles sont possédées et que le Malin hante les lieux. Malgré elle, Juliette se retrouve entraînée dans les manœuvres de son ancien amant, d'autant plus que celui-ci détient sa fille en otage. Et tandis que le couvent sombre de plus en plus dans le chaos, Juliette, elle, décide de tenter le tout pour le tout pour sauver les autres sœurs.

Il y a un peu du Nicolas d'Ausone de La stratégie du bouffon dans le personnage de Guy Le Merle dans ses manœuvres, manigances et autres trahisons successives. Si assurément ce personnage peut répugner voire choquer dans sa mentalité, il va sans dire que l'on est fasciné par sa stratégie subtile et qui vise à aller au bout de sa vengeance. Beaucoup d'humour dans l'écriture de Joanne Harris, qui si son style peut être effectivement jugé simple, nous offre ici une histoire sans longueur ni fioritures excessives. C'est bien enlevé, mené de bout en bout avec maestro, bref, un roman historique où l'auteur n'hésite pas à dénoncer au passage les préjugés, le fanatisme et l'obscurantisme de l'époque. Juliette, cette sœur qui ne croit pas en Dieu, est en réalité celle qui en sait le plus, ne croyant ni aux superstitions, ni aux visions apocalyptiques des autres sœurs. Et c'est dans un final grandiose que nous saurons enfin le pourquoi du comment, notamment les raisons de la vengeance de Guy Le Merle.

Au final, un excellent roman que j'ai absolument adoré; et une auteure, Joanne Harris que j'ai découverte ici avec grand plaisir! Un roman à lire ou plutôt, à dévorer!

Ma note : 5/5