mardi 24 mai 2011

Robe de marié - Pierre Lemaitre

Sophie avait tout pour être heureuse. Un gentil mari, un boulot passionnant, un bel appartement parisien, bref, tout souriait à cette parisienne trentenaire sans aucun souci apparent. Mais voilà que peu à peu, Sophie se met à douter d'elle même. Objets égarés et retrouvés dans les endroits les plus improbables, "absences" multiples et répétées, crises d'angoisse de plus en plus violentes, Sophie commence à douter d'elle même et à craindre que la folie la guette. Alors quand tout se met à aller crescendo, que l'horreur prend le pas sur l'inquiétant, que les premiers morts apparaissent, Sophie ne fait plus que craindre le pire : elle le vit.

Robe de marié fait parti de ces thrillers efficaces au point que, pauvre lecteur que nous sommes, il est absolument impossible de lâcher ce roman une fois commencé. On tremble, on frémit auprès de cette pauvre Sophie dont le calvaire ne peut laisser indifférent quiconque. Après une première partie plus qu'angoissante où nous suivons la journée pendant laquelle l'existence de Sophie bascule de manière irrémédiable, la seconde partie nous livre un début d'élément de réponses. Début seulement car la troisième puis la quatrième partie nous entraine de nouveau dans un enchainement de circonstances toutes plus diaboliques les unes que les autres jusqu'au dénouement final inattendu.

Du suspense, de la peur, de l'inattendu : tout est là pour faire de Robe de marié un récit étonnant et palpitant. Quant au pourquoi du titre, ce n'est que dans les dernières pages que l'on comprend sa signification. Mais chut, vous ne le saurez à votre tour qu'après avoir lu cette histoire machiavélique!

Ma note : 4/5
(Le livre de poche, 313 pages)

dimanche 22 mai 2011

La solitude du docteur March - Géraldine Brooks

Le nom de March vous dit quelque chose? Meg, Jo, Beth et Amy, les quatre sœurs nées sous la plume de Louisa May Alcott font parties de vos héroïnes cultes? Alors vous aimerez le troisième roman de Géraldine Brooks, qui ose s'approprier la personnalité du docteur March pour en faire ici le personnage principal du récit.

Je dis bien "ose" car reprendre un tel personnage emblématique ne pouvait qu'être hasardeux. Finalement, Géraldine Brooks s'en sort plutôt bien et La solitude du docteur March nous dresse le portrait d'un homme, abolitionniste convaincu, et qui, à quarante ans, s'engage aux cotés des troupes de l'Union dans la terrible guerre civile qui allait déchirer les États-Unis de le moitié du XIXème siècle entre les tenants de l'esclavages et ceux qui s'y refusent.

Enrôlé comme aumônier, March est très vite révolté et abasourdi par les horreurs de la guerre qu'il voit et subit. Au hasard des combats, il échoue dans une propriété sudiste occupée où seuls subsistent le vieux propriétaire des lieux malade et une de ses servantes noires. Quelle n'est pas la surprise de March de reconnaitre en elle Grace, la belle esclave dont il était tombé amoureux bien des années auparavant! Et voilà que l'auteur nous entraine dans les souvenirs de March, notamment dans la jeunesse de ce dernier, alors colporteur ambulant dans le Sud des Etats-Unis. Confronté pour la première fois aux affres et sévices de l'esclavage, March ne deviendra réellement abolitionniste qu'en rencontrant celle qui allait devenir sa femme, la jeune Marmee Day. Mme March est alors décrite comme une jeune femme impétueuse, voire violemment anti-conformiste, bref absolument pas l'image que l'on pouvait avoir d'elle dans le roman de Louisa May Alcott. La description de ce personnage peut ainsi être presque dérangeant voire incompréhensible; pire, cela irait presque en porte-à-faux avec le caractère et le climat des Quatre filles du Dr March...

Ce désagrément mis à part, La solitude du Dr March est un récit où la véracité historique tient une grande place. L'auteur s'est ainsi beaucoup inspiré du propre père de Louisa May Alcott pour dresser le portrait de March. De même, on croise au fil des pages des personnages historiques véritables (comme Thoreau par exemple). Enfin, les scènes de batailles sont particulièrement bien décrites ainsi que les conditions plus que douteuses dans lesquelles étaient soignées les blessés et autres victimes des combats dans les hôpitaux nordistes. Autant dire qu'on ne peut que louer les efforts de l'auteur dans son souci du détail et du respect de l'Histoire.

Évidemment La solitude du Dr March n'arrive pas au même niveau que le récit de Mme Alcott, mais malgré tout, il n'en demeure pas moins un roman dont l'intrigue ne peut que tenir en haleine le lecteur.

Qui peut-on qualifier de brave ? Celui qui ne connaît pas la peur ? S’il en est ainsi, la bravoure n’est que le terme poli pour désigner un esprit dénué de rationalité et d’imagination. Le brave, le vrai héros, tremble de peur, transpire, sent ses entrailles le trahir et, malgré cela, avance pour accomplir l’acte qu’il redoute.

Ma note : 3,5/5
(Belfond, 348 pages)

mardi 10 mai 2011

Noces bourgeoises - Roger Béteille

A peine sortie de l'adolescence, Pauline Labarthe épouse son beau-frère veuf suivant en cela la volonté inflexible de son père, le riche homme d'affaire Henri Labarthe qui a fait fortune dans le négoce de tissus. Malheureusement, peu de choses rapprochent Pauline et son mari Charles qui fait presque le double de son âge à part les enfants qu'il avait eus avec Agathe, la sœur ainée de Pauline. Malgré tout, de ce mariage resté vierge, va éclore entre ces deux êtres une tendresse et une grande confiance, accrue par la tenue quotidienne du magasin L'incomparable, fierté des Labarthe à Espalion. La crise des années trente et plus encore la guerre ne vont-elles pas faire vaciller ce fragile équilibre?

D'une plume douce et avec une simplicité étonnante, Roger Béteille nous reconstitue le quotidien fascinant d'une petite ville des abords de Rodez de l'entre deux guerre et plus encore, d'une famille bourgeoise pour qui la seule chose qui compte est la cohésion familiale, coûte que coûte. Rien ne pourra faire fléchir Henri Labarthe qui est prêt à tout pour sauvegarder la dynastie et les affaires de la communauté. Même si cela doit passer par un mariage de raison entre sa fille Pauline et son gendre veuf.

Personnage effacée pendant presque les deux tiers du roman, Pauline ne se marie ni par amour ni de force. Car c'est réellement de la tendresse et de la compassion qu'elle éprouve pour Charles. Cependant, toujours Pauline se refusera à cet homme qui l'aime d'un amour absolu et tendre. Et malgré les relations difficiles qu'elle éprouve avec Agathe la fille ainée de Charles, Pauline, finalement, y trouvera son compte. Mais la guerre et ses bouleversements vont tout chambouler dans ce bel ordre fragile.

Je ne pourrai comparer Noces bourgeoises à un portrait de femme car en réalité, c'est plus d'une famille en son ensemble qu'il s'agit que d'un être en particulier. Roger Béteille réussit notamment à décrire les bouleversements économiques de cette France encore très rurale et pas encore rattrapée par la modernité. La transformation de l'Incomparable en grand magasin parisien, le développement des premiers camions de vente directe, les techniques de vente d'Hugues de Roffiac... sont autant de nouvelles techniques commerciales qui assurent le succès aux Labarthe mais aussi de nombreuses jalousies...

Un récit subtil même si je regretterai que les passages sur l'Occupation n'aient pas été plus développés. Néanmoins, Noces bourgeoises n'en demeure pas moins un roman d'une grande justesse avec des personnages particulièrement bien campés.

Ma note : 3,25/5
(Éditions Du Rouergue, 335 pages)

lundi 2 mai 2011

L'invitation à la valse - Rosamond Lehmann

Filles d'une famille désargentée de la campagne anglaise, les deux sœurs Curtis sont invitées à leur premier bal chez les Spencer. Impatience, excitation, rêves et soifs de rencontre sont les mots qui caractérisent les jours qui précèdent ce grand soir tant attendu qui arrive enfin et avec lui, toutes ses désillusions...

Lorsque j'avais seize ans, j'avais lu avec ravissement Poussière de Rosamond Lehmann. Il faut dire que pour la jeune fille romantique que j'étais alors, ce roman était tout à fait indiqué, et j'avais été éblouie par le talent littéraire de cet écrivain complètement tombé dans l'oubli de nos jours. Dix ans se sont passés et c'était un peu avec appréhension que je débutais cette lecture de L'invitation à la valse, roman déniché complètement par hasard dans une brocante. N'allais-je pas trouver ce récit dépassé et à contre-courant de mes aspirations d'aujourd'hui?

Quelle erreur de penser ceci! Car la magie opéra de nouveau et ceci, dès les premières pages lues. Quel plaisir de lire un récit d'une telle délicatesse et où les tourments et aspirations de ces deux sœurs ne peuvent que toucher la femme que je suis! C'est avec une immense empathie que j'ai suivi les préparatifs puis le bal en lui-même au cours duquel Kate et Olivia verront leur univers chamboulé et ce, de manière irréversible.

Olivia, qui vient juste d'avoir dix-sept ans, est une jeune fille romantique et rêveuse. Mais pas seulement. Car elle ne ressemble en rien aux jeunes écervelées qui ne cherchent durant la soirée qu'à danser avec le plus possible d'hommes et à pouffer et critiquer les invités derrière leurs carnets de bal. Olivia, elle, y découvrira la Vie, avec ses joies et ses peines, ses tourments et ses surprises. Timide, peu sure d'elle, Olivia, si elle aime faire attention d'elle, n'est pas non plus obsédée par son apparence ni par l'impression qu'elle peut donner aux autres. Presque femme, encore adolescente, Olivia voit sa sœur ainée Kate prendre son envol avec brio lors de ce bal et accéder avec succès aux plus hautes sphères de la société tandis qu'elle, reste en retrait. Dans un retrait peu flatteur.

La première partie du récit se déroule peu avant le bal et nous décrit tous les protagonistes, en ce jour particulier que sont les dix-sept ans d'Olivia. La courte deuxième partie consiste en la description des préparatifs des deux sœurs pour ce bal tant attendu avec les premiers doutes d'Olivia (la robe rouge sur laquelle tant d'espoirs avaient été placés est en réalité ratée, le jeune Kernshaw qui les accompagne au bal annonce son attention de devenir prêtre et Olivia, désemparée, frémit à l'idée de faire tapisserie durant le bal). Enfin, la troisième partie est le bal en lui-même et c'est de loin la partie la plus intéressante. Les deux sœurs sont ainsi rapidement séparées et Kate rencontre et se lie avec un fils de bonne famille. Olivia, quant à elle, ira de rencontres en rencontres toutes plus surprenantes les unes que les autres : un jeune poète maudit; Archie, son amour d'enfance, qui se révèle être saoul et oublie la danse qu'il lui avait promise; un vieil homme libidineux qui la serre de près; un homme aveugle pauvre; Rollo, le fils de ses hôtes, lui, un vrai gentleman... Le bal, évidemment, ne se passe pas du tout comme prévu pour Olivia, qui voit son carnet de bal rester désespérément vide, et est par instant moquée par ses connaissances. Mais malgré tout, ce bal changera complètement la jeune fille qui en sortira grandie.

Ce récit, qui n'a pas pris une ride, se révèle être une fine description psychologiques des personnages qui, de près ou de loin, nous ressemblent terriblement. Un roman initiatique superbe, faisant penser à des auteurs comme Katherine Mansfield ou Pearl Buck. Magnifique!

Ma note : 5/5
(10/18, 251 pages)

Livre du mois de mai