lundi 31 mai 2010

Un secret - Philippe Grimbert

Voici un récit très court où l'auteur, dans cette histoire semi-autobiographique, nous délivre un message où les thèmes de la guerre, de l'amour, de la barbarie et de la jalousie sont développés. Un roman où un jeune garçon idéalise ses parents, s'invente ce frère qui lui manque tant et dont il ressent pourtant si fortement la présence, tandis que passent des jours plein d'ennui et de regrets face à des parents sportifs et qui incarnent avec fougue la jeunesse, la force et la vitalité. Le narrateur, lui, se rend bien compte de cette médiocrité qui le ronge et qu'il aperçoit chaque jour dans les yeux de son père. Jusqu'au au jour où le secret éclate, et avec lui, tout un pan d'une existence cachée refait surface avec violence.

Philippe Grimbert nous livre ici une histoire avec une écriture simple, sans chichi d'aucune sorte qui aurait pu en alourdir le rythme. On suit avec intérêt ce récit; on s'attache à ce jeune garçon qui, brusquement, voit le monde dans lequel il vit s'écrouler en morceau. Certes, de cette vérité indispensable, notre héros en ressortira grandi; mais quel choc pour lui de découvrir tout ce passé qui lui avait été dissimulé! Les personnages sont intéressants; là encore, pas de stéréotypes en aucune sorte qui aurait pu gâcher la lecture.

Un roman que tout lecteur ne pourra qu'apprécier. Et pourtant, même si je ne peux que saluer la complète réussite de l'auteur avec Un secret, oserai-je le dire?, je n'ai pas été convaincue par cette histoire. Il est vrai que ce n'est pas le premier récit traitant de la seconde guerre mondiale que j'ai eu l'occasion de lire et, par conséquent, ai je eu l'impression que ce roman ne m'aura rien apporté de plus. Les quelques 180 pages défilent très, voire trop vite et je n'ai donc guère eu le temps de m'attacher à l'ensemble des protagonistes.

Un récit réussi donc même si je n'ai ressenti que peu d'émotion à sa lecture. Peut-être le film qui en a été tiré saura t-il plus me convaincre?

Ma note : 3/5
( Éditions Le livre de poche, 184 pages)

dimanche 16 mai 2010

Raison et sentiments - Jane Austen

A la mort de son mari, Mme Dashwood et ses trois filles sont contraintes de quitter le domaine de Norland où elles ont toujours vécu pour aller s'installer près de Barton, chez un cousin éloigné qui leur offre l'hospitalité. Si pour la sage et raisonnable Elinor, quitter Norland signifie également ne plus voir Edward Ferras qu'elle aime en secret, pour la romantique et fougueuse Marianne, une nouvelle existence trépidante commence. D'autant plus qu'elle y fait la connaissance du séduisant Willoughby dont elle tombe immédiatement amoureuse. Mais un matin, Willoughby part précipitamment et pour des raisons inconnues du Devonshire au plus grand désespoir de Marianne...

Édité pour la première fois en 1811, Raison et sentiments est le premier roman que Jane Austen ait fait publier. Il est étonnant de penser que ce récit a près de deux cents ans tellement l'écriture et les sentiments développés ici sont encore actuels et si terriblement modernes. Non, il ne s'agit aucunement de littérature sentimentale; et il serait bien réducteur de classer dans ce genre les romans de Jane Austen, elle qui a par la suite influencé des écrivains tels que Henry James, Virginia Woolf ou Katherine Mansfield.

Évidemment, le récit de Mme Austen souffre de quelques incohérences, notamment en ce qui concerne les caractères des deux sœurs Dashwood. Ainsi, Elinor peut paraitre bien trop raisonnable et Marianne trop passionnée pour le lecteur. D'ailleurs, en parlant d'Elinor, Jane Austen se doutait bien de l'impression que son héroïne ferait sur le public, elle qui s'écria alors à son sujet "Je vais prendre une héroïne que nul autre que moi n'aimera beaucoup".

Mais malgré tout, le lecteur ne peut que s'attacher aux tourments successifs de ses deux sœurs bien jeunes et qui découvrent pour la première fois les tourments de l'amour. Jane Austen dépeint avec véracité la société dans laquelle elle a toujours vécue, à savoir celle de la noblesse terrienne alors encore en vigueur avant la révolution industrielle qui n'a pas encore commencé. Promenades, pique-niques, chasse, bals, récitals où les jeunes filles étalent leurs talents : les distractions décrites par Jane Austen sont les seules péripéties de l'histoire. Tout se passe en effet principalement dans les salons où l'on se reçoit entre connaissances que ce soit à la campagne ou à Londres, pendant la saison d'hiver. Ragots, commérages, histoires de famille : peu de choses restent secrètes où tout le monde se donne en spectacle en permanence.

L'amour fou et passionnel de Marianne pour Willoughby se heurte de plein fouet aux convenances dans une société où on se marie par intérêt et non par amour. Marianne, qui n'affirme avec force ne pouvoir aimer qu'une fois, reverra elle même sa copie par la suite. Quant à Elinor, la sage Elinor qui cache ses sentiments du mieux qu'elle peut, le lecteur ne peut s'empêcher de penser que son destin est de demeurer vieille fille. Les préjugés et les apparences vont bon train; Elinor et Marianne elles même en feront les frais en apprenant la véracité des caractères de ceux qui les entourent.

Depuis sa mort, les écrits de Jane Austen sont passés à la postérité et font parti des plus grands classiques de la langue anglaise. Nulle autre qu'elle n'a réussi à si bien décrire la société anglaise du XIXème siècle avec ce sens particulier de l'ironie et de l'analyse psychologique de ses personnages. Il faut ajouter à cela un grand souci du détail dans ses descriptions de la nature, prélude au courant romantique qui s'annonce, ou encore son attention portée au langage. Raison et sentiments fait assurément partie des chefs d'œuvre de la littérature anglaise et à ce titre, on ne peut que louer le talent précurseur de Mme Austen qui nous livre ici une peinture exhaustive et passionnante de la société anglaise de l'époque.

Ma note : 4,75/5
(Archipoche, 443 pages)

(10/26)!

et

(1/2)

samedi 15 mai 2010

Splash - Sheila Kohler

Au milieu de nulle part se dresse en Afrique du Sud un pensionnat pour jeunes filles aisées où l'on apprend les sciences, la littérature, la géographie, bref tout ce qui est indispensable pour une jeune fille blanche dans les années cinquante/soixante. Séparées de leurs familles qu'elles ne voient qu'aux vacances, douze jeunes pensionnaires s'ennuient à périr jusqu'au moment où Mlle G., professeur de natation, leur propose de faire parties de son équipe de natation. Tout, elles seraient alors prêtes à tout pour faire plaisir à cette femme si volontaire, si libre en apparence et qui les abreuvent de conseils et d'impératifs en tout genre. Mais voilà qu'arrive un jour Fiamma, jeune aristocrate italienne pas comme les autres et dont Mlle G. s'entiche immédiatement. Pour la plus grande jalousie des autres...

Un roman étrange où l'atmosphère pesante vous suit du début à la fin. C'est que de par son climat où la chaleur, la moiteur vous entoure, tous les sens, toutes les envies sont exacerbées à l'extrême. Seule la piscine et les cours de natation qui vont avec, permettent à ces jeunes filles dont la vie aussi bien en famille qu'au pensionnat est dure voire inacceptable, de vivre, de connaître un instant ce moment de liberté que leur vante avec passion Mlle G. Que ne feraient elles pas toutes pour s'attirer les bonnes grâces de ce professeur qui est bien la seule dans leur entourage à faire attention à elles! Et pourtant, les relations entre cette femme et ces jeunes adolescentes n'atteignent pas les degrés espérées surtout lorsque Fiamma arrive.

Une jeune fille étrange que cette Fiamma, ne ressemblant à aucune autre de ses comparses et par conséquent, n'arrivant pas à s'intégrer au groupe des douze autres nageuses. Italienne, ayant toujours vécu choyée et gâtée par un père aimant, très cultivée, Fiamma se retrouve déboussolée dans ce pensionnat perdu au milieu du veld. Jalouses, envieuses d'elle, les jeunes filles ne peuvent surtout pas supporter l'attention particulière et excessive que lui porte Mlle G. Mais Fiamma se dérobe, fuit Mlle G et ses caresses tandis que le ressentiment et la jalousie va crescendo. Jusqu'au jour où Fiamma disparait...

Toute la particularité de ce récit est dans l'ambiance lourde, tendue, qui suit, agrippe le lecteur dès les premières pages. La chaleur de ces journées infernales vous étouffe littéralement et c'est presque avec hébétude que l'on suit les péripéties successives dans ce pensionnat complètement coupé du reste du monde. On se sent mal à l'aise; sans savoir pourquoi on devine sans oser se l'avouer les conséquences et les aboutissements de toute cette histoire où presque rien n'est dit jusqu'aux dernières pages, terribles dans leurs descriptions et leurs conséquences...

J'ai beaucoup aimé ce récit qui change véritablement mes habitudes de lecture qu'il s'agisse aussi bien au niveau du style que de l'histoire en elle-même. Et même si le synopsis m'a bien évidemment dérangée pour ne pas dire "choquée", j'ai presque été fascinée par ce pensionnat irréel et comme tiré d'un songe. Ou plutôt d'un cauchemar qui ne veut pas dire son nom...

Ma note : 3,75/5
(Gallimard, 251 pages)

Merci à Mélopée pour m'avoir fait découvrir ce récit!

mardi 11 mai 2010

Une affaire de charme - Edith Wharton

Recueil de nouvelles pour la plupart inédites, Une affaire de charme regroupe sept saynètes de la vie quotidienne bourgeoise américaine du début du XXème siècle. La grande romancière américaine Edith Wharton montre ici tout son talent dans la description d'une société bourgeoise obsédée par les apparences et les non-dits et où pourtant, pointent tous les regrets, espérances ou déceptions d'une classe sociale où les femmes n'ont bien souvent qu'un rôle subalterne.

Sept récits donc où le lecteur suivra tour à tour une épouse respectable d'un professeur amoureuse d'un jeune Anglais fortuné de passage, un homme qui croit sa dernière heure arrivée ou encore une femme du monde qui confond le jour de sa permanente avec le départ de son amant... L'écriture est tranchante; Edith Wharton a assurément un style précis et acéré qui croque sans détour les travers et défauts de la société dans laquelle elle a toujours évolué. C'est vif, c'est mordant; même si certaines nouvelles sont surement moins intéressantes que d'autres, le style passionnant de l'auteur fait oublier la faiblesse de quelques récits. Mais c'est toujours avec grand intérêt que l'on suit toutes ses histoires où se mêlent critique, dérision mais aussi compassion comme envers Mrs Manstey prête à tout pour conserver sa vue sur les jardins voisins qu'un mur menace de cacher ou encore Nadeja qui, dans la nouvelle qui donne son titre à ce recueil, ne se révèlera finalement pas si futile que l'on aurait pu croire...

De beaux portraits d'hommes mais aussi et surtout de femmes dans lesquels, malgré le siècle de distance, nous nous sentons proches. Un livre idéal pour faire la découverte d'une des plus grandes romancières du siècle dernier.

Ma note : 3,5/5
(J'ai Lu, 158 pages)

et

(4/5)