Le destin de Fleur de Lis et de Fleur de Neige change à tout jamais le jour où toutes deux à sept ans signent ensemble un contrat les faisant laotong, ce qui signifie qu'une amitié indéfectible doit les lier pour la vie. Dès lors, ces deux enfants vont tout partager, du supplice des pieds bandés, à leur mariage arrangé avec des hommes qu'elles ne connaissent pas. Sans oublier les vexations, privations et autres brimades qu'elles subissent de leur famille car elles ne sont que des filles, donc des branches inutiles. Mais lorsque Fleur de Lis découvre que Fleur de Neige l'a trahie, son amitié se transforme alors en une haine farouche envers son ancienne amie.
Un roman très fort dans lequel Lisa See réussit à retranscrire la vie de la campagne reculée chinoise du XIXème siècle alors encore en plein féodalisme. Les traditions et les coutumes sont encore fortes et régissent la vie quotidienne des uns et des autres, et notamment des femmes dont le destin alors était assez simple: se marier, avoir des fils et conserver une réputation irréprochable. Et alors que la vie est difficile du fait des multiples révoltes, maladies ou encore famines qui s'abattent sur tous, l'existence d'un enfant et encore moins d'une fille ne pèse pas bien lourd dans la conscience des familles. Née dans une famille de paysans pauvres, Fleur de Lis le comprend très vite, elle qui recherche à tout prix la reconnaissance et un peu d'amour dans les yeux d'une mère épuisée par les labeurs quotidiens et les multiples accouchements qu'elle a du supporter. Son destin cependant change du tout au tout lorsqu'on lui bande ses pieds : ne lui promet-on pas alors que cela lui permettra d'épouser un bon parti et de ne plus subir la misère? Et puis, cela lui permet également d'être en relation avec Fleur de Neige, dont la famille recherche une laotong idéale pour leur fille...
Plus que l'histoire en elle même, c'est la retranscription de la vie quotidienne chinoise de l'époque qui m'a le plus touchée. Assurément, c'est bien la vie chinoise d'alors qui s'est matérialisée sous mes yeux, et notamment la vie de ses femmes, mariées de force et quittant alors à jamais leur famille pour un nouveau foyer où elles seront parfois battues, souvent traitées avec indifférence voire mépris. Leur destin se résume à être enceintes le plus souvent possible, à obéir à leur belle-mère et à passer leurs journées à coudre et broder, cloîtrées dans les appartements des femmes. Et puis comment ne pas être révolté en lisant ces passages sur le bandage des pieds, passage éprouvant de par les souffrances endurées par des fillettes d'à peine sept ans qui voient leurs os broyés. Quand on pense que cette pratique moyenâgeuse n'a été abolie que dans les années cinquante sous Mao!
Un roman très simple dans son écriture mais d'une grandeur dans son récit et dans les thèmes évoqués. J'ai énormément appris sur les us et coutumes de l'époque et notamment sur celles des femmes (je ne connaissais absolument pas l'existence du nu shu). Bref, un récit intéressant et très instructif qui permet d'avoir une vision éclairée sur la vie des femmes dans la Chine d'avant Mao.
Ma note : 4/5
Éditions J'ai Lu, 384 pages
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