Longtemps Dieudonné Ferchaux, l'homme de l'Oubangui, fut un mythe vivant, lui, qui, avec son frère Emile, partit tenter l'aventure au fin fond de l'Afrique, bravât tous les dangers et se fit une fortune colossale de manière cependant plus que douteuse. Mais aujourd'hui, cette époque semble bien loin, et l’aîné des Ferchaux est attaqué de toutes parts, accusé notamment d'avoir assassiné trois nègres avec de la dynamite. Le procès se rapproche, mobilisant les foules, affolant la presse et les politiques qui tous, se déchaînent face à cet homme singulier, revenu en France après des années passées sur sa pétrolette sur les fleuves sauvages et inhospitaliers de l'Afrique. C'est dans cette atmosphère qu'arrive Michel Maudet que Ferchaux embauche comme son secrétaire particulier, jeune provincial d'à peine vingt ans sans le sou, inexpérimenté de la vie mais voulant absolument découvrir la richesse, la gloire et les fastes du grand homme. Entre les deux hommes, va s'installer une relation ambiguë...
De Paris à Caen, de Dunkerque au Panama, Ferchaux et Maudet ne vont plus se quitter, pour le meilleur et pour le pire. Avec une acuité rare, Simenon va alors décortiquer sous les yeux du lecteur ébahi, les personnalités complexes de ces deux personnages, qui, malgré les apparences, sont bien plus proches qu'il n'y parait. C'est surtout de Maudet qu'il s'agit, ce jeune loup qui rêve de faire fortune facilement lui aussi. Tout d'abord fasciné par ce personnage fabuleux qu'est Ferchaux entouré de sa légende, Michel se mettra sans hésiter à son service, sans se poser de questions, persuadé que cet emploi va lui ouvrir les portes d'un monde nouveau. Mais les affaires et le scandale rattrape Ferchaux et c'est ensemble que tous deux s'enfuiront en Amérique latine.
C'est à ce moment là que les rapports vont s'inverser et que Maudet prendra petit à petit l'ascendant sur un Ferchaux malade et diminué physiquement. Mais malgré tout, Maudet ne parviendra pas à s'affranchir du regard lucide et sarcastique de Ferchaux qui l'a compris et deviné dès le premier jour. Car Maudet est prêt à tout pour réussir, que ce soit de manière grandiose ou veule. Ne va t-il pas jusqu'à sacrifier Lina, sa femme à Dunkerque? Pire, Maudet n'ira t-il pas jusqu'à commettre l'irréparable pour s'en sortir?
Comme toujours dans les récits de Simenon, ce qui frappe tout d'abord c'est le style de l'auteur qui fait revivre sous nos yeux la France puis le Panama des années trente. On sent, on respire l'odeur des petits cafés dans lesquels traîne Maudet. On sent le suintement, la poussière et la crasse de la maison sur les dunes et dans celle de Caen. Quant à l'atmosphère faite de plaisirs faciles au Panama, on s'y croirait presque. Cette façon de recréer et de décrire un monde aujourd'hui disparu est absolument étonnant et extraordinaire et rien que cela, ce roman vaut le coup. Mais évidemment, c'est encore une fois dans la psychologie des personnages et des sentiments qui les traversent que le talent de Simenon fait mouche. Un talent inégalé et inégalable.
Ma note : 3,75/5
(Folio, 432 pages)
Livre du mois de mars
J'aurais du mal à aller vers Simenon aujourd'hui...;o) Une atmosphère qui ne m'attire plus vraiment.
RépondreSupprimerJ'ai noté ton billet !! Merci.