jeudi 31 mars 2011

Just Kids - Patti Smith

Photographie d’un instant, photographie d’un mythe : Just Kids, ce sont les mémoires de Pattie Smith, de sa vie de bohème dans les Etats-Unis des années soixante où elle déambule le vendre vide mais avec les poèmes de Rimbaud dans la poche, sa vie bariolée avec la faune du Chelsea hôtel ou de la Factory et, surtout, son histoire d'amour avec le sulfureux plasticien Robert Mapplethorpe. De cette rencontre va naître l’éclosion de deux artistes tandis qu’une époque unique de liberté apparaît.

Récit initiatique, Just Kids est le vibrant hommage d’une époque aujourd’hui disparue où Pattie Smith a aimé, vécu de tout son être, de tout son corps. D’une manière et d’une façon qui aujourd’hui n’existe plus et qui serait inconcevable. Plus qu’elle-même, Patti Smith raconte son époque, les êtres qui l’ont entourée et qu’elle a aimés. Un récit autobiographique réussi, sans fioriture ni atermoiement mais, au contraire, un récit vrai et qui nous touche de par sa véracité et sa qualité d’écriture. Une réussite rare.

Ma note : 3,75/5
(Denoël, 323 pages)

Sélection du mois de février

mercredi 30 mars 2011

Le cri de l'engoulevent - Kjell Eriksson

De retour de congé maternité, le commissaire Ann Lindell est assaillie de soucis. Tout d’abord, son collègue Ola, la poursuit de ses assiduités. Ensuite, des groupes de casseurs vandalisent des vitrines à Uppsala et dans l’une d’elle, un jeune suédois est retrouvé mort. Peu après, le centre de réfugiés brûle, causant trois victimes. Sur les dents, la police enquête, tandis que les tensions raciales dans la ville atteignent leur paroxysme…

Le Cri de l’engoulevent, polar du suédois Kjell Eriksson, est la quatrième enquête du commissaire Ann Lindell. C’est la première fois que je lis un roman de Kjell Eriksson et même si celui-ci ne révolutionne pas le genre, j’ai plutôt bien aimé cette enquête policière bien ficelée. L’auteur, de par la construction originale de son récit (on suit ainsi un personnage et une partie différente de l’enquête à chaque chapitre) tient le lecteur en haleine. Surtout, Le Cri de l’engoulevent, nous révèle la face cachée de la Suède en matière de racisme : tensions entre différents groupes ethniques, racisme et intolérance.

En définitive un bon roman policier qui change un peu des enquêtes policières scandinaves qui m’a été donné de lire à ce jour. Un auteur et une série à suivre…

Ma note : 3/5
(Gaïa, 381 pages)

Sélection du mois de février

vendredi 25 mars 2011

Le Royaume du Nord

Bernard Clavel, né le 29 mai 1923 à Lons-le-Saunier et mort le 5 octobre 2010 à La Motte-Servolex est un écrivain français principalement connu pour ses romans mais qui s'est aussi adonné à l'écriture d'essais, de poèmes et de nombreux contes pour la jeunesse.
Son premier roman L'Ouvrier de la nuit, publié en 1956, marque le début d'une production importante de près d'une centaine de titres avec des œuvres pour la jeunesse et de très nombreux romans, parfois constitués en sagas qui ont rencontré un vaste public comme La Grande Patience (4 volumes – 1962/1968), Les Colonnes du ciel (5 volumes - 1976/1981) et Le Royaume du Nord (6 volumes 1983/1989)
Bernard Clavel montre une constante attention aux humbles et défend des valeurs humanistes en contant des destins individuels et collectifs, souvent confrontés au malheur. Son sens de la nature et de l'humain, sa mise en question de la violence et de la guerre et son souci de réalisme ont fait de lui un écrivain récompensé par de nombreux prix dont le prix Goncourt pour Les Fruits de l'hiver en 1968.
(Source : http://fr.wikipedia.org)

Le Royaume du Nord : saga en six volumes écrites entre 1983 et 1989 se passant au Canada, dans la province du Québec en Abitibi.
Cette épopée comprend les ouvrages suivants :
  • Volume I : Harricana
  • Volume II : L'or de la terre
  • Volume III : Miserere
  • Volume IV : Amarok
  • Volume V : L'angélus du soir
  • Volume VI : Maudits sauvages
Les éditions Omnibus ont réuni en un seul volume l'ensemble de cette saga.

Tome 1 : Harricana


Au début du XXème siècle, l'Abitibi est une région encore vierge, avec de longues étendues sauvages de forets où seuls quelques trappeurs et Indiens osent s'aventurer. Mais avec l'avènement du chemin de fer, cette région sort de son isolement et ce sont des pionniers par centaines qui partent à l'assaut de ces terres chargées de convoitise et de richesses naturelles.

Avec la série du Royaume du Nord, Bernard Clavel part donc sur la trace de ces hommes et ces femmes qui sont partis d'eux-mêmes coloniser cette immense région sauvage mais aussi terriblement hostile. Dans Harricana, premier tome du Royaume du Nord, nous sommes en 1910 et nous suivons les Robillard, partis avec femme et enfants en pirogue, pour s'installer près de la rivière Harricana. Le voyage est périlleux et c'est en suivant Raoul, le beau-frère de Catherine, que tous arrivent sains et saufs à l'endroit où le chemin de fer avance inexorablement dans la forêt et où une future ville est prévue. Pour les Robillard, il s'agit d'être dans les premiers à être sur place afin de pouvoir réaliser leur rêve : sortir de la misère en ouvrant le premier magasin général de la future bourgade.

Harricana est un très beau récit où Clavel se fait le chantre de la nature et des éléments qui la compose. A travers ces lignes, au moyen de phrases et de mots tous plus beaux et empreints d'humanité, l'auteur nous décrit une nature belle mais aussi sauvage, qui ne pardonne pas aux innocents ou à ceux venus s'aventurer ici par hasard. Car la nature ici est dure, terrible même dans son immensité et sa fureur à l'instar des hivers d'une froideur et d'une rage inouïe. Mais la nature sait aussi donner du fait de ses richesses innombrables aussi bien apparentes que cachées dans son sol. Et nombreux sont les hommes attirés par ces trésors et le cœur plein de convoitise.

Dans Harricana nous suivons donc l'installation des Robillard dans leur nouvelle vie mais surtout, c'est l'avènement d'une cité que nous voyons. Si le point central est la gare avec les premiers trains qui s'y arrêtent enfin, le reste de la ville se construit aussi peu à peu avec l'église, l'école, le magasin général des Robillard mais aussi le cimetière... Car la nouvelle existence des Robillard est faite de joie mais aussi de pleurs avec cependant, toujours l'espoir tenace d'une vie meilleure.

Un premier tome passionnant; Bernard Clavel sait trouver les mots justes pour faire revivre le quotidien d'une petite bourgade du début du XXème siècle en plein essor. Un récit magnifique qui laisse augurer une série prometteuse.

Ma note : 4,75/5
(lu en janvier 2011)

Tome 2 : L'or de la Terre

Partis conquérir les vastes étendues sauvages de l'Abitibi, les premiers colons sont rejoints peu après la première guerre mondiale par d'autres hommes et femmes attirés par les richesses inviolées de ce territoire plein de promesses. Le chemin de fer a mis à portée de main les forets, lacs et terrains de ce territoire immense où seuls les Indiens et les bêtes de la forêt osaient s'aventurer il y a encore peu. Mais plus encore, ce sont les trésors enfouis dans son sous sol qui attirent les hommes qui, tels des termites, creusent partout afin de mettre la main sur l'or de la terre...

Une merveille. Voici le premier mot qui me vient à l'esprit en parlant du deuxième tome du Royaume du Nord. Bernard Clavel n'a pas son pareil pour décrire les tourments de ces hommes et femmes qui quittent tout afin de faire fortune dans un territoire inhospitalier et encore sauvage. Rarement un écrivain n'avait su trouver les mots aussi forts pour décrire la peur, la détresse, la rage et la haine que peuvent s'inspirer les êtres humains entre eux. Prêts à tout pour acquérir la moindre pépite d'or.

Jordan est de ceux qui vont s'aventurer en Abitibi à la recherche de ces trésors. Et lorsqu'il met la main sur un gisement improbable d'or sur une île, la fièvre s'empare de la région. La mine attire des hommes de tout horizon, mais aussi des financiers en provenance des États-Unis, des femmes de petite vertu, des voleurs... A la force de ses bras, la sueur de son front, de par sa seule volonté et son courage, Jordan va créer un empire, son empire qui repose entièrement sur la soif de l'or, de toujours plus d'or. Et tandis qu'une ville se crée et s'organise à proximité de la mine, que celle-ci s'agrandit toujours plus, Jordan, lui, creuse encore et toujours plus dans sa mine. Sans fin...

Un récit bouleversant car terriblement vrai. On ressent une véritable émotion en lisant ce récit où on se prend d'empathie pour Jordan et tous ceux qui l'entourent. Des personnages secondaires magnifiques se détachent (Bastringue, Landry, Justine, les prostituées du bordel, le curé...) tandis que d'autres du premier volume du Royaume du Nord refont apparition (les Robillard notamment). On tremble, on frémit, bref, on vit à travers les lignes tracées avec émotion par Bernard Clavel. Un formidable hommage à tous ces hommes et ces femmes qui ont tout risqué, parfois en vain. Un immense coup de cœur!

Ma note : 5/5
(Lu en mars 2011)


Nota: Cet article sera mis à jour au fur et à mesure de ma lecture des différents tomes de la série.


mardi 22 mars 2011

Haute-Terre - John McGahern

Haute-Terre relate des scènes de la vie quotidienne qui toutes, évidemment, se passent en Irlande, pays d'âme et de cœur de John McGahern. A travers ces différentes histoires, j'ai retrouvé avec plaisir le style de cet auteur que j'avais découvert via Entre toutes les femmes, roman que je qualifie encore aujourd'hui de pur chef d'œuvre.

Les nouvelles de Haute-Terre ne dérogent pas à la règle et c'est avec ravissement que j'ai plongé dans ces différentes histoires de la vie quotidienne d'Irlandais de la seconde moitié du XXème siècle. Une jeune femme est séduite et abandonnée lorsqu’elle apprend à son amoureux qu’elle est enceinte (Eddie Mac). Elle sera soutenue et protégée par son employeur, un homme riche ne s'intéressant qu’à l’astronomie, qui l’aide à élever sa fille mais finit par se choisir une épouse conforme à son rang (La conversion de William Kirkland). Un jeune homme renonçant à la prêtrise, demande en mariage une femme rencontrée dans un pub et doit affronter une terrible déception (Comme tous les autres hommes). Un jeune homme, travaillant chez un colonel à sa retraite, se voit offrir la chance de faire une belle carrière dans l’armée britannique (Au temps jadis).

Jamais je n'ai trouvé ces histoires de la vie quotidienne banales ou dénuées d'intéret. Au contraire, John McGahern met le doigt là où ça fait mal, nous relatant les tourments secrets de ses personnages, ballotés par les évènements de la vie. Mais Haute-Terre, ce sont aussi des descriptions subtiles et émouvantes de l'Irlande des villes mais aussi des champs, de la vie en famille ou de la solitude, des joies et des peines qui font de ce recueil un ensemble fort réussi.

Ma note : 4/5
(Presse de la Renaissance, 185 pages)

Livre du mois de mars

dimanche 20 mars 2011

L'ainé des Ferchaux - Georges Simenon

Longtemps Dieudonné Ferchaux, l'homme de l'Oubangui, fut un mythe vivant, lui, qui, avec son frère Emile, partit tenter l'aventure au fin fond de l'Afrique, bravât tous les dangers et se fit une fortune colossale de manière cependant plus que douteuse. Mais aujourd'hui, cette époque semble bien loin, et l’aîné des Ferchaux est attaqué de toutes parts, accusé notamment d'avoir assassiné trois nègres avec de la dynamite. Le procès se rapproche, mobilisant les foules, affolant la presse et les politiques qui tous, se déchaînent face à cet homme singulier, revenu en France après des années passées sur sa pétrolette sur les fleuves sauvages et inhospitaliers de l'Afrique. C'est dans cette atmosphère qu'arrive Michel Maudet que Ferchaux embauche comme son secrétaire particulier, jeune provincial d'à peine vingt ans sans le sou, inexpérimenté de la vie mais voulant absolument découvrir la richesse, la gloire et les fastes du grand homme. Entre les deux hommes, va s'installer une relation ambiguë...

De Paris à Caen, de Dunkerque au Panama, Ferchaux et Maudet ne vont plus se quitter, pour le meilleur et pour le pire. Avec une acuité rare, Simenon va alors décortiquer sous les yeux du lecteur ébahi, les personnalités complexes de ces deux personnages, qui, malgré les apparences, sont bien plus proches qu'il n'y parait. C'est surtout de Maudet qu'il s'agit, ce jeune loup qui rêve de faire fortune facilement lui aussi. Tout d'abord fasciné par ce personnage fabuleux qu'est Ferchaux entouré de sa légende, Michel se mettra sans hésiter à son service, sans se poser de questions, persuadé que cet emploi va lui ouvrir les portes d'un monde nouveau. Mais les affaires et le scandale rattrape Ferchaux et c'est ensemble que tous deux s'enfuiront en Amérique latine.

C'est à ce moment là que les rapports vont s'inverser et que Maudet prendra petit à petit l'ascendant sur un Ferchaux malade et diminué physiquement. Mais malgré tout, Maudet ne parviendra pas à s'affranchir du regard lucide et sarcastique de Ferchaux qui l'a compris et deviné dès le premier jour. Car Maudet est prêt à tout pour réussir, que ce soit de manière grandiose ou veule. Ne va t-il pas jusqu'à sacrifier Lina, sa femme à Dunkerque? Pire, Maudet n'ira t-il pas jusqu'à commettre l'irréparable pour s'en sortir?

Comme toujours dans les récits de Simenon, ce qui frappe tout d'abord c'est le style de l'auteur qui fait revivre sous nos yeux la France puis le Panama des années trente. On sent, on respire l'odeur des petits cafés dans lesquels traîne Maudet. On sent le suintement, la poussière et la crasse de la maison sur les dunes et dans celle de Caen. Quant à l'atmosphère faite de plaisirs faciles au Panama, on s'y croirait presque. Cette façon de recréer et de décrire un monde aujourd'hui disparu est absolument étonnant et extraordinaire et rien que cela, ce roman vaut le coup. Mais évidemment, c'est encore une fois dans la psychologie des personnages et des sentiments qui les traversent que le talent de Simenon fait mouche. Un talent inégalé et inégalable.

Ma note : 3,75/5
(Folio, 432 pages)

Livre du mois de mars

jeudi 17 mars 2011

N'ouvrez pas ces archives! - Kati Marton

En 1956, Andrew Marton, le père de Kati Marton, est arrêté en pleine nuit au retour d'une partie de bridge disputée chez l'attaché militaire américain par les agents de l'AVO, la police sécrète hongroise. Quatre mois après, c'est au tour de sa mère d'être arrêtée à son tour. Tous deux seront par la suite condamnés à six ans de prison pour espionnage.

Ce récit autobiographique raconte ce drame, vécu alors par deux petites filles, à savoir Kati et Juli, les enfants du couple. Kati Morton raconte avec précision les faits de l'époque, les arrestations successives de ses parents et la terrible séparation qu'elle a vécue. Elle décrit ainsi la douleur endurée par ses parents en prison, séparés l'un de l'autre et de leurs enfants. Surtout, Kati Morton révèle la guerre secrète entre Washington et Moscou, ses parents n'étant en réalité qu'un simple prétexte.

Un récit bouleversant, racontée à travers les yeux et le vécu d'une petite alors âgée de six ans. On est plongé avec véracité dans les évènements de l'époque, avec l'insurrection hongroise de 1956 et des conséquences qui s'en suivit. Réchappant aux nazis puis aux communistes, les Morton réussiront finalement à partir aux États-Unis dans les années soixante-dix. Mais toujours ces évènements resteront dans la mémoire dans la petite Kati et ce ne sera que bien plus tard, en ayant accès à des archives classés alors secret défense que Kati Morton saura la vérité. Une vérité incroyable mais aussi indispensable. Un témoignage rare de faits encore trop restés secrets de nos jours.

Ma note : 3,25/5
(Tchou, 250 pages)

Sélection du mois d'avril

mercredi 16 mars 2011

Verdict - Justin Peacock

Joël Deveraux est un jeune avocat d'un prestigieux cabinet new-yorkais promis à un bel avenir. Mais cette carrière est stoppée net lorsqu'une sombre affaire de drogue le rattrape et le force à démissionner. Quelques années plus tard, Deveraux travaille désormais pour un petit cabinet en tant qu'avocat commis d'office dans de banales affaires de drogue ou de vol. Mais lorsqu'il est affecté à une affaire pour seconder une de ses collègues sur une sombre affaire de meurtre, Deveraux se trouve propulsé dans un procès passionnant et aux multiples rebondissements.

Premier roman de Justin Peacock, lui-même avocat ayant traité de multiples affaires de meurtres, Verdict est un roman dense et terriblement vrai. Se basant sur son expérience, Peacock nous décortique toute la machinerie judiciaire new-yorkaise tout en nous en livrant les moindres détails, jusqu'aux plus sordides (témoins malhonnêtes, dissimulation de preuves, pressions multiples, prisions glauques et surpeuplées...). Surtout, le lecteur est propulsé dans les rouages de la juridiction judiciaire et Peacock nous décrit ainsi toutes étapes qui jalonnent un procès, des premiers éléments de l'enquête au verdict final. Enfin, nous plongeons dans les coulisses du monde pénal, à la suite de ces avocats souvent débordés et aux moyens limités mais qui se battent coûte que coûte pour leurs clients mais aussi pour eux-mêmes, afin de faire éclater la vérité.

Si Verdict accuse quelques longueurs qui en altère un peu la qualité, il n'en demeure pas moins que c'est un thriller détaillant avec une précision rare le milieu judiciaire et ses dérives. Un premier roman réussi et qui n'augure que du bon pour la suite de la carrière de Peacock.

Ma note : 3,5/5
(Sonatine, 370 pages)

Sélection du mois d'avril

dimanche 13 mars 2011

Rosa candida - Audur Ava Olafsdottir

A 22 ans, Arnljotur quitte l'Islande et sa famille pour aller s'occuper de la roseraie abandonnée d'un monastère sur le continent. Pour le jeune Arnljotur, ce départ est aussi l'occasion de revenir sur son existence chamboulée entre sa paternité "surprise" avec Anna, l'amie d'un ami, qu'il connait à peine ou la mort de sa mère dans un accident de voiture. La réponse à toutes ses questions se trouverait-elle dans cette roseraie millénaire qu'Arnljotur tente de refaire revivre et où il introduit la Rosa Candida, cette variété rare de rose que sa mère cultivait avec amour?

Un très beau roman empli d'humanité et de simplicité et où l'auteur se faite le chantre de l'amour des hommes, de la vie et du bonheur simple. On lit ce roman avec une joie rare et Rosa Candida ressemble à s'y méprendre à ces petits plaisirs simples de la vie comme il en existe peu de nos jours.

L'histoire est très simple, presque trop d'ailleurs dans ses débuts. Mais une fois qu'Arnljotur arrive dans le monastère, c'est avec ravissement que j'ai suivi cette histoire délicate et douce. J'ai adoré les rapports d'Arnljotur avec ses semblables, comme le père Thomas, les aubergistes qu'il croise sur sa route ou encore son père veuf et qu'il a laissé avec son frère jumeau autiste en Islande. L'atmosphère du village dans lequel évolue Arnljotur y est aussi pour beaucoup (on aimerait y vivre, nous aussi!), sans oublier la sérénité que dégage la roseraie et ses splendeurs. Et puis, évidemment, il y a Anna, qui débarque brusquement dans l'existence d'Arnljotur qui prend alors conscience de son rôle de père de la petite Flora Sol...

Une histoire simple et touchante et qui fait la part belle aux bonheurs simples de la vie. Et si c'était cela, la vie dont tout un chacun rêve inconsciemment?

Ma note : 4/5
(Zelma - 336 pages)

Sélection du mois d'avril

samedi 12 mars 2011

Une maison de poupée - Henrik Ibsen

Pour sauver son mari Helmer gravement malade, Nora a emprunté en secret une forte somme d'argent auprès du sinistre avoué Krogstad. Les années ont passé et sans rien avouer à Helmer, Nora a économisé sur le budget du ménage pour rembourser sa dette petit à petit. Mais peu avant Noël, Krogstad menace de faire chanter Nora si celle-ci n'intercède pas en sa faveur auprès de son époux pour que celui-ci ne le licencie pas du poste qu'il occupe à la banque. Que faire?

Dans cette pièce parue pour la première fois en Norvège en 1879, Ibsen se fait le chantre et le défenseur des femmes de l'époque. Autant dire que la publication d'Une maison de poupée fit scandale dans toute l'Europe! C'est que pour la première fois, Ibsen décrivait l'itinéraire d'une femme, épouse et mère, osant défier la tutelle de son époux et réclamant une liberté de pensée et d'action impensable à l'époque.

Pourtant les premières pages de la pièce nous décrivent une Nora insouciante, dépensière et volage, mangeant en secret des macarons et jouant à cache cache avec ses enfants. Et c'est presque avec le sourire qu'on entend Holmer l'appeler son petit rossignol, et la traiter, en réalité, presque comme un enfant qui ne saurait se débrouiller seul dans le monde qui l'entoure. Or, lorsque Nora dévoile son secret à Mme Linde, la perception que nous avons d'elle change du tout au tout : brusquement elle nous apparait comme quelqu'un de courageux et c'est presque avec mépris et dédain, voire avec gène que l'on suit alors les réactions d'Helmer à son égard. Car pour Helmer, Nora n'est que sa chose, son bien dont il est fier et qu'il aime exhiber devant tout le monde (ne veut-il pas qu'elle danse la farandole?). Oui, Nora est sa petite poupée qu'il se plait à façonner et traiter comme il aime. Alors lorsque Helmer apprend que Nora lui a menti, pire qu'elle a osé prendre une initiative qu'il juge complètement écervelée, sa fureur est immense. Et Nora de comprendre brusquement qu'elle n'a jamais été que rien pour son mari et que ce dernier n'a jamais cherché à la comprendre...

Si certaines scènes peuvent avoir vieilli - l'histoire ressemble quand même un peu à un vaudeville - les thèmes décrits par Ibsen restent malgré tout terriblement actuels. Certes, les conditions de la femme n'ont rien à voir avec celles décrites dans la pièce mais la perception, même inconsciente, que les hommes ont de la gente féminine a t-elle tant changé que cela? Une pièce, entrée dans le Panthéon de la littérature mondiale, à lire et relire et surtout, à méditer.

Ma note : 5/5
(Le livre de poche, 156 pages)

Livre du mois de mars

mercredi 9 mars 2011

L'hiver des lions - Jan Costin Wagner

Le médecin légiste Patrik Laukkanen est retrouvé assassiné le matin de Noël à coté de chez lui. Quelques jours plus tard, un célèbre fabricant de faux cadavres pour le cinéma est lui aussi poignardé sur le seuil de sa porte. Seul point commun à ces deux meurtres : tous deux avaient participé à une émission de télévision où l'on montrait des mannequins imitant des victimes de catastrophes et autres accidents mortels. Kai-Petteri Hämäläinen, le présentateur vedette du talk-show, est-il la prochaine victime du mystérieux tueur?

Un roman policier se passant en Finlande, en période de Noël, sous la neige qui ne fait que tomber: autant dire que l'atmosphère est froide voire terriblement glaciale, aussi bien sur le fond que sur la forme de ce roman. Car je l'ai trouvé bien froid pour ne pas dire terriblement moribond ce récit. On ne peut pas dire que cette histoire soit bien gaie, à commencer par le personnage principal de ce récit, le commissaire Kimmo Joenta, veuf inconsolable depuis la mort de sa femme. L'enquête policière à mon sens, traine en longueurs, pire, le thème en lui-même (la reproduction de victimes d'accidents mortels) n'est pas particulièrement passionnant. Alors on ne peut pas dire que j'ai été véritablement emballée par cette enquête policière que j'ai trouvée terriblement ennuyeuse et dénuée d'intéret. Peu de rythme, aucune empathie envers les personnages, pire, un dénouement presque banal ont fait que cette lecture ne m'a absolument rien apporté à part une perte de temps absolument inutile. Un récit à oublier et à vrai dire, c'est déjà fait.

Ma note : 2/5
(Jacqueline Chambon, 255 pages)

Sélection du mois d'avril

mardi 8 mars 2011

Féroces - Richard Goolrick

Écrivain new-yorkais, Robert Goolrick a écrit deux romans, Une femme simple et honnête et Féroces, récit hautement biographique et basé sur son enfance.

Et l'enfance de Robert Goolrick va s'avérer une enfance particulièrement troublante...

États-Unis, années cinquante et soixante. Dans une petite ville de Virginie, vivent les Goolrick, famille simple, respectée et respectable, enviée de tout un chacun. Trois enfants; le père professeur à l'université de la ville, la mère, belle et spirituelle à la fois, et maitresse de maison reconnue de tous. Les jours passent, seulement rythmée par les cocktails et autres réceptions entre connaissances où les hommes sont adeptes de bons mots et où les femmes rivalisent d'élégance et de grâce. Les Goolrick rayonnent dans cet univers et leur gloire parait intemporelle, inouï, infinie.

Mais derrière la porte de leur maison, cloisonnés derrière leurs secrets et leurs non-dits, les Goolrick sont tout autres...

Assurément on se demande bien ce que l'auteur nous cache quand on commence à lire Féroces. Car on ne peut que tomber en admiration, pour ne pas dire en pâmoison, en lisant le récit de l'histoire de cette famille bien sous tous les rapports. Au contraire, c'est presque avec stupéfaction que l'on se rend compte de la déchéance dans laquelle cette famille se trouve quelques années plus tard. A commencer par le narrateur, Robert, cadet de la famille, et qui, bien que loin de Virginie, est rattrapé et pourchassé par ses vieux démons toute sa vie, quoiqu'il fasse. Et c'est avec horreur et stupeur que l'on comprend que Robert a été bafoué, rejeté, dénié par sa famille tout entière et s'est auto-mutilé pendant des jours dans l'indifférence générale.

La seule chose qui fera bondir ses parents sera lorsqu'il osera lever le voile sur le passé, sur ces choses non dites et que l'on tait avec rage.

Car si on gratte un peu le vernis de cette famille bien sous tous les rapports à première vue, on se rend que le tableau idyllique que l'on croyait n'est en fait qu'une vulgaire croute d'artiste. Que le père n'a fait que ruminer pendant des années sa déception de n'être qu'un "petit" et médiocre professeur d'université de province. Que la mère, à l'instar de nombreuses autres femmes de l'époque, a été obligée de s'arrêter de travailler pour s'occuper du foyer car cela ne se faisait pas. Que les Goolrick vivaient au dessus de leurs moyens, qu'ils allaient très vite se couper du reste de la société et sombrer dans l'alcool et la crasse. Mais pire que tout, que les Goolrick n'étaient pas aussi bien que cela. Car il y a des secrets de famille que l'on tente d'enfouir mais qui font mal, terriblement mal...

Alors oui, Féroces mérite bien son nom et c'est avec stupeur, que dis-je, avec horreur, dégout et malaise que l'on s'enfonce un peu plus dans le méandres et secrets de cette famille qui, à première vue, incarnait tellement bien "l'american way of life". Où, à la fin du récit, on comprend tout ce que l'auteur tentait de nous susurrer avec sa voix désespérée. Et non, on ne peut ressentir indemne d'un tel récit qui vous étreint, vous broie, vous terrifie tellement que l'on tremble presque à la lecture des dernières pages. Car la souffrance de l'auteur, sans jamais sombrer dans le larmoyant ou le sordide, ne peut que toucher tout un chacun.

Et pourtant c'est avec une note d'espoir que Goolrick achève son récit tout en justifiant son récit dans les dernières lignes : "Je la raconte car je tente de croire, car je crois de tout mon cœur, que toujours demeure l'écho obstiné d'une chanson."

Ma note : 4,5/5
(Anne Carrière, 250 pages)


Sélection du mois d'avril

dimanche 6 mars 2011

Algérie 1954-1962 : Lettres, carnets et récits des Français et des Algériens dans la guerre

La guerre d'Algérie fait partie de ces conflits dont on parle peu en France, même à l'école où le sujet est très peu abordé. Il en résulte par conséquent une sorte de chape de plomb sur cette période alors que pourtant, cette guerre, comme celle d'Indochine, fut d'une complexité rare.

Colonie puis département français dès le début du XIXème siècle, l'Algérie obtient son indépendance au bout d'une guerre qui dura près de huit années et fit près de 250 0000 morts coté Algérien et 30 000 coté Français. L'historien Benjamin Stora, aidé de Tramor Quemeneur, revient sur cette époque à l'aide de documents aussi disparates qu'un exemplaire de journal clandestin ou de photos d'époque, glanés auprès des populations civiles ou d'anciens appelés.

« Les Européens d’Algérie, les harkis et leurs descendants, ont encore du mal à regarder ce qui s’est passé de l’autre côté, c’est-à-dire du côté de la mémoire algérienne.» Fort de ce constat, les deux historiens ont collecté un ensemble de documents couvrant toute la période allant de l'Algérie avant le conflit à l'indépendance en passant par le putsch des généraux ou l'exil des pieds noirs. C'est presque avec émotion que l'on découvre certains documents comme la lettre d'un déserteur à sa famille, des photos originales ou une lettre d'Albert Camus. Sans oublier, fait rare, le manuscrit original du discours du Général de Gaulle "Je vous ai compris".

Un très beau livre où les mémoires des pieds-noirs, appelés, nationalistes algériens harkis et opposants à la guerre, se croisent, se mélangent et se complètent pour donner une image plutôt complète et vraie de cette époque trouble. La seule chose que je regrette est que ce document ne devrait être lu qu'avec une idée déjà détaillée et précise de la guerre d'Algérie. Difficile en effet de se plonger dans ces différents souvenirs parfois intimes et de les resituer dans le contexte de l'époque. Néanmoins, ce livre est une initiative rare qu'il faut saluer et demeure un document riche et accessible à tous.

Ma note : 3,75/5
(Les Arènes, 115 pages)

Sélection du mois d'avril

samedi 5 mars 2011

Des fleurs pour Zoë - Antonia Kerr

Au volant de sa cadillac, Richard, soixante ans, se dirige vers la Floride pour s'établir dans une maison de repos de grand luxe. Fini la vie avec son ex-femme qui l'a quitté, son travail harassant et ses séances avec son psy, Richard n'aspire qu'au repos et à la tranquillité. Mais c'était sans compter sur Zoé, qui, telle une tornade, est venu tout bouleverser sur son passage et entraine Richard dans un périple fou à travers les États-Unis.

Des fleurs pour Zoé est le premier roman d'Antonia Kerr, jeune écrivain française adulée par la critique. Une révélation, Des fleurs pour Zoé? Surement pas même si l'histoire s'avère plaisante de par son entrain et son dynamisme. Littéralement emmené par le personnage de Zoé, le récit nous entraine sur les routes américaines et on croise une foule de personnages tous plus farfelus et cocasses les uns que les autres. Le narrateur, en premier lieu, ne peut nous empêcher de nous faire sourire de par ses réflexions douces amères sur sa vie, sa relation avortée avec sa femme et ses nombreuses liaisons adultères. Autant dire que Richard n'attendait plus grand chose de sa vie qui lui apparaissait bien morne au contraire. Il lui suffit alors de croiser le regard de Zoé pour que tout s'emballe et avec lui, tout son être.

Des fleurs pour Zoé est un road-book dans le fait que sur l'immensité des routes américaines, le narrateur se retrouve et avec lui, le lecteur. Je ne saurais dire si l'auteur s'est inspiré de Philip Roth car je n'ai jamais lu ce dernier (je sais, honte à moi!) mais Des fleurs pour Zoé est à coup sur un récit où les enchainements de situation sont légion. Le lecteur croisera ainsi tour à tour la famille de Zoé en Floride, la mère du narrateur avec sa ribambelle de chats sans oublier un castor ou un cerf. Mais ces situations originales, hélas, ne suffisent pas à en faire un roman fini et malgré sa rapidité de lecture (le récit ne fait que cent cinquante pages), on s'ennuie vite car le rythme s'essouffle... Et c'est bien dommage car il y avait de l'idée ainsi qu'un style somme toute intéressant. Tant pis car le début m'avait alléchée!

Ma note : 3/5
(Gallimard, 150 pages)


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