Écrivain new-yorkais, Robert Goolrick a écrit deux romans, Une femme simple et honnête et Féroces, récit hautement biographique et basé sur son enfance.
Et l'enfance de Robert Goolrick va s'avérer une enfance particulièrement troublante...
États-Unis, années cinquante et soixante. Dans une petite ville de Virginie, vivent les Goolrick, famille simple, respectée et respectable, enviée de tout un chacun. Trois enfants; le père professeur à l'université de la ville, la mère, belle et spirituelle à la fois, et maitresse de maison reconnue de tous. Les jours passent, seulement rythmée par les cocktails et autres réceptions entre connaissances où les hommes sont adeptes de bons mots et où les femmes rivalisent d'élégance et de grâce. Les Goolrick rayonnent dans cet univers et leur gloire parait intemporelle, inouï, infinie.
Mais derrière la porte de leur maison, cloisonnés derrière leurs secrets et leurs non-dits, les Goolrick sont tout autres...
Assurément on se demande bien ce que l'auteur nous cache quand on commence à lire Féroces. Car on ne peut que tomber en admiration, pour ne pas dire en pâmoison, en lisant le récit de l'histoire de cette famille bien sous tous les rapports. Au contraire, c'est presque avec stupéfaction que l'on se rend compte de la déchéance dans laquelle cette famille se trouve quelques années plus tard. A commencer par le narrateur, Robert, cadet de la famille, et qui, bien que loin de Virginie, est rattrapé et pourchassé par ses vieux démons toute sa vie, quoiqu'il fasse. Et c'est avec horreur et stupeur que l'on comprend que Robert a été bafoué, rejeté, dénié par sa famille tout entière et s'est auto-mutilé pendant des jours dans l'indifférence générale.
La seule chose qui fera bondir ses parents sera lorsqu'il osera lever le voile sur le passé, sur ces choses non dites et que l'on tait avec rage.
Car si on gratte un peu le vernis de cette famille bien sous tous les rapports à première vue, on se rend que le tableau idyllique que l'on croyait n'est en fait qu'une vulgaire croute d'artiste. Que le père n'a fait que ruminer pendant des années sa déception de n'être qu'un "petit" et médiocre professeur d'université de province. Que la mère, à l'instar de nombreuses autres femmes de l'époque, a été obligée de s'arrêter de travailler pour s'occuper du foyer car cela ne se faisait pas. Que les Goolrick vivaient au dessus de leurs moyens, qu'ils allaient très vite se couper du reste de la société et sombrer dans l'alcool et la crasse. Mais pire que tout, que les Goolrick n'étaient pas aussi bien que cela. Car il y a des secrets de famille que l'on tente d'enfouir mais qui font mal, terriblement mal...
Alors oui, Féroces mérite bien son nom et c'est avec stupeur, que dis-je, avec horreur, dégout et malaise que l'on s'enfonce un peu plus dans le méandres et secrets de cette famille qui, à première vue, incarnait tellement bien "l'american way of life". Où, à la fin du récit, on comprend tout ce que l'auteur tentait de nous susurrer avec sa voix désespérée. Et non, on ne peut ressentir indemne d'un tel récit qui vous étreint, vous broie, vous terrifie tellement que l'on tremble presque à la lecture des dernières pages. Car la souffrance de l'auteur, sans jamais sombrer dans le larmoyant ou le sordide, ne peut que toucher tout un chacun.
Et pourtant c'est avec une note d'espoir que Goolrick achève son récit tout en justifiant son récit dans les dernières lignes : "Je la raconte car je tente de croire, car je crois de tout mon cœur, que toujours demeure l'écho obstiné d'une chanson."
Ma note : 4,5/5
(Anne Carrière, 250 pages)
Sélection du mois d'avril
Je note sans hésitation et j'avais déjà repéré cet auteur avec "Une Femme Simple et Honnête" qui avait l'air vraiment bien !... Super billet qui fait très très envie !
RépondreSupprimerdifficile mais belle lecture
RépondreSupprimercertains passages surtout à la fin font mouche