Charles IX fut roi de France de 1560 à 1574, année où il mourut à l'âge de vingt-trois ans. Ce jeune roi n'a guère laissé son empreinte dans l'histoire de France, dans ce seizième siècle alors en pleine proie aux terribles guerres de religions entre catholiques et protestants. Et pourtant, s'il y a bien quelque chose à retenir de son règne, c'est bien la date du 2 août 1572, jour funeste du massacre de la Saint Barthélemy...
Investigateur du massacre Charles IX? Les historiens sont partagés et nombreux sont ceux à plus accuser sa mère Catherine de Médicis de manigances et manœuvres politiques en coulisses afin de se débarrasser des nobles protestants qui commençaient à avoir trop la main sur son fils et qui donc, menaçaient son influence... C'est un peu également le parti pris de Jean Teulé qui décrit ici un jeune roi de vingt-deux ans au moment des faits, bien trop frêle pour supporter la charge royale énorme qui pèse sur ses épaules. Et c'est bien plus pour faire plaisir à sa mamma que le jeune roi, excédé et à bout, ordonna ce massacre qui choquera l'Europe toute entière de par sa grandeur (trois mille morts estimés à Paris, entre cinq mille à dix mille dans tout le reste de la France).
Plus que le déroulement de ce jour funeste, Jean Teulé s'attache à la personnalité de ce roi, qui, par la suite épouvanté par l'ampleur de la tragédie ordonnée en son nom, sombra peu à peu dans une folie douce amère. Voyant en songes ses victimes, ayant l'impression d'être toujours couvert de sang, Charly 9 comme l'affuble avec ironie Jean Teulé, se tourne avec déraison vers les chasses aussi bien en forets qu'au sein même du château du Louvre où il tue sans discernement toutes les bêtes qu'il trouve comme pour étancher une soif de mort quasi inextinguible. Et au milieu d'une cour où il n'est plus qu'une marionnette ballottée au gré des envies de sa mère et de son jeune frère qui rêve de prendre le pouvoir, Charly 9 étouffe face aux subtilités des courtisans qui l'entourent. Les ennuis s'accumulent (siège de la Rochelle par les Huguenots, caisses de l'État vides, peuple mourant de faim) et Charly 9, désemparé, accumule gaffe sur gaffe, jusqu'à tomber malade et mourir seul et détesté de tous.
Évidemment, Jean Teulé prend beaucoup de libertés par rapport à l'Histoire même si de nombreux faits sont véridiques : oui sa femme, la reine Elisabeth d'Autriche ne parlait pas un mot de français et il fallait qu'une traductrice soit toujours là pour permettre les échanges entre les deux époux. Oui, ce fut bien Charles IX qui instaura le nouvel an le 1er janvier et non plus le 1er avril ce que détestèrent de nombreux paysans. Oui, le Pape fit bien graver une médaille commémorative de la Saint Barthélemy et demanda des fresques au Vatican (que l'on peut voir encore de nos jours). Et oui, son jeune frère devint bien roi pour un temps de Pologne avant de revenir en catimini en France à la mort de Charles IX.
Le plus déstabilisant en vérité est que l'auteur mélange allégrement le style littéraire du seizième siècle et du vingt et une nième siècle. De même, si le début est plutôt plein d'humour (noir!), la suite a, je trouve, trainé un peu en longueur, avec de nombreuses pages traitant de la folie montante du roi et de ses nombreuses frasques (chasses aux lapins et cerfs au Louvre, fabrication de fausse monnaie pour renflouer les caisses de l'État, visites à sa maitresse...). C'est presque avec écœurement que l'on suit ses différentes péripéties faites de sang et autres morts et on est presque soulagé quand ce pauvre Charly meurt enfin. Même si son enterrement ne fut lui-même pas de tout repos!
En conclusion, c'est presque de la pitié que l'on ressent pour ce pauvre roi déchu que Jean Teulé parvient à nous rendre sympathique malgré ses crimes. Victime innocente lui aussi des magouilles politiques de sa mère? Homme dépassé par les évènements et notamment par le poids de sa charge? Seules l'Histoire et la postérité jugeront. Néanmoins, c'est plus de la décadence d'une famille (les Valois), d'une classe (la noblesse, déjà, deux siècles avant la Révolution) et d'une époque dont il est en réalité question.
Pauvre Charly!
Ma note : 3,5/5
(Julliard, 232 pages)
Je fais une pause de Jean Teulé. Certes je n'en ai lu que 3, mais un que j'ai adoré, un que j'ai détesté et un que j'ai apprécié normal.
RépondreSupprimerÇa me donne envie... et puis il y a longtemps que je n'ai pas lu un de ses romans. Mais j'hésite encore avec Mangez-le si vous voulez...
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