En 1914, Xavier et Elijah, deux jeunes indiens Cree s'engagent dans l'armée canadienne afin de participer à la grande guerre qui se déroule loin de chez eux, au delà des mers, sur ce continent qu'on appelle Europe et dont ils ne savent rien. Rêvant de gloire et de bravoure, certains que la guerre ne durera pas, ils quittent alors leur existence primitive et calme de la foret et débarquent brutalement dans l'horreur des bombardements continuels et meurtriers, des tranchées boueuses et froides, du meurtre accepté et encouragé qu'on appelle bravoure. Rapidement, les talents des deux jeunes gens à s'embusquer et leurs précisions au tir les entrainent à devenir de redoutables tireurs d'élite et à passer toutes leurs journées embusquer sur ce terrain sans nom qu'est le no man's land. Mais sort-on indemne de ce bourbier qui ne veut pas dire son nom?
Des récits sur la première guerre mondiale, il y en a eu beaucoup dans la littérature et cela, de tous les points de vue, aussi bien allemand que français, anglais, américain. Et pourtant, en lisant Le chemin des âmes, le lecteur a l'impression de découvrir pour la première toute l'horreur et l'absurdité de ce conflit qui dura près de quatre ans dans les régions du nord de la France et de la Belgique. Rarement les descriptions des combats ou plutôt de ces tueries n'aura été aussi précises. Mieux, on ressent une empathie réelle avec les personnages, aussi bien principaux que secondaires, et avec eux, le froid, la boue, la peur, la souffrance sont ressentis de manière poignante et inextinguible.
Les destins de Xavier et Elijah ne peuvent que toucher et chambouler l'être que nous sommes. Tous deux, indiens Cree, n'étaient pas préparés à cela et chacun réagira de façon différente. Aveuglé par la recherche de la gloire et du pouvoir, Elijah considèrera rapidement cette guerre non plus comme un combat d'une troupe contre une autre mais plutôt comme une chasse réelle avec un gibier à pister et chasser. Témoin impuissant face à cette rage qui le consume, Xavier, lui, se raccrochera aux souvenirs de sa terre natale mais verra lui aussi son destin profondément bouleversé par les horreurs qu'il côtoie chaque jour.
Comme pour atténuer les scènes difficiles, l'auteur intercale les récits de souvenirs que Niska, la tante de Xavier, se remémore de son propre passé. Mais là aussi, c'est d'une autre souffrance dont il est question, celle de tout un peuple forcé de se plier au bon vouloir des hommes blancs venus les dépouiller de leurs biens, de leur terre, de leur histoire. Revenu meurtri de la guerre, seul, Xavier, alors entre la vie et la mort, retourne sur ses terres d'origine en canoë avec sa tante. De ce long voyage à travers les terres mais aussi les souvenirs de son enfance, Xavier fera alors le point sur son expérience de souffrance mais aussi de regrets. Que s'est il réellement passé sur le champ de bataille? Pourquoi et comment Elijah est-il mort?
Un récit dur, violent mais aussi et surtout d'un réalisme impressionnant. Rarement les descriptions de scènes de bataille auront été décrites avec une telle précision qui fait que l'on a l'impression nous aussi d'être au milieu de ces hommes qui se battent sans savoir réellement pourquoi contre des hommes qui ne leur ont rien fait. Réflexion sur l'humanité, sur les pulsions qui la composent, Le chemin des âmes est un premier roman brillant de réalisme où rien ne sera épargné au lecteur sur les horreurs et l'enfer de la guerre. Mais c'est aussi une ode poignante sur la nature et sur la rédemption des âmes. Un roman grandiose, inoubliable où l'on ne ressort absolument pas indemne. Une réussite indéniable.
Ma note : 5/5
(Albin Michel, 390 pages)
Excellent commentaire sur un roman qui le mérite amplement. Merci.
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